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pape et le roi donnèrent si bien, qu’elle ne fut découverte que par la déclaration que le roi fit au pape qu’il aimoit mieux qu’il passât outre à la promotion du duc de Saxe-Zeitz seul, que d’y consentir par celle de l’abbé d’Auvergne ; et pour lors ni de longtemps après, le duc de Saxe ne le fut ? Le cardinal de Bouillon étoit alors à Rome chargé des affaires du roi, et abusant de sa confiance, à cet énorme degré. Enfin, pour se borner à quelque chose, était-ce fidélité, aux ordres les plus exprès du roi, des affaires duquel il étoit encore chargé à Rome, que toute la conduite qu’il y tint sur la coadjutorerie de Strasbourg et sur l’affaire de M. de Cambrai ? et après des traits si étranges et si publics, vanter sa fidélité avec reproche !

Non content d’une effronterie si incroyable, cet évêque, ce cardinal, ce premier suffragant de l’Église romaine, cet homme qui réserve avec tant de religion ce qui la peut blesser dans les ordres du roi, ne craint pas d’ajouter le blasphème le plus horrible, par le souhait qu’il fait tout de suite d’avoir pour les ordres et la volonté de Dieu la pareille fidélité qu’il a eue pour ceux du roi. La protestation qui suit est de même nature, avec les desseins et les motifs qui le faisoient s’évader du royaume : il proteste, dis-je, qu’il tâchera le reste de ses jours de servir uniquement Dieu et son Église dans la place, et c’est là où il paraphrase et multiplie si follement la grandeur de cette place, où la Providence, dit-il, l’a établi, quoique indigne. Ce dernier mot est la seule vérité qui lui soit échappée dans toute cette lettre. Mais c’est au roi à qui il dit que la Providence l’y a établi, à ce même roi qui l’a nommé cardinal dans un âge qui l’a porté au décanat, à ce même roi malgré le rappel duquel, faisant ses affaires à Rome, il s’y est cramponné avec tant d’artifice, puis de désobéissance publique jusqu’à ce qu’il l’eût recueilli. Il ajoute après que cette qualité l’attache uniquement au saint-siége, c’est-à-dire l’affranchit de tout autre attachement, et de celui du roi qui l’a nommé