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sortant, non la grandeur du mystère qu’il venoit de célébrer, mais la sienne, de lui qui étoit prince, et qui avoit la première place après la suprême ; qu’ils le regardassent bien, ajoutoit-il parce que jamais ils n’avoient vu cela dans leur église, et qu’après lui cela n’y arriveroit jamais. Ce peuple ne le comprenoit pas ; le curé qui avoit de l’esprit, et les honnêtes gens du lieu en riaient entre eux et en avoient pitié. À quelque point d’élévation que la dignité de cardinal ait été portée, la distance est demeurée si grande entre le pape et leur doyen que cette expression favorite du cardinal de Bouillon, qu’il répétoit sans cesse à tout le monde, ne put imposer à personne, et ne peut montrer que le vide et le dérangement de sa tête.

Toute la fin de la lettre n’est qu’une insulte diversifiée en plusieurs façons plus insolentes les unes que les autres. Il s’y récrie sur sa fidélité aux ordres et aux volontés du roi, et il y ajoute cette honnête et respectueuse restriction : en tout ce qui n’étoit pas contraire au service de Dieu et de son Église. C’est donc à dire, et en parlant au roi même, qu’il étoit capable de vouloir des choses qui y étoient contraires, qu’il lui en avoit même commandé. Il appuie encore ici sur sa fidélité ; mais fut-elle le principe de toutes les brigues qu’il employa pour se faire élire évêque de Liège contre la volonté et les défenses du roi si déclarées, qu’il ne le manqua que parce que le roi s’y opposa d’une manière si formelle, qu’il fit déclarer au chapitre qu’il préféroit tout autre au cardinal de Bouillon qui avoit les dix voix, même le candidat porté par la maison d’Autriche, ce qui fit changer le chapitre et manquer ce siége au cardinal de Bouillon ? Sa fidélité fut-elle le motif qui lui fit employer tant de ruses et de manéges pour tromper le pape et le roi, et réciproquement, persuader à l’un et à l’autre de faire nécessairement son neveu cardinal en contre-poids du duc de Saxe-Zeitz, porté vivement par l’empereur à la promotion duquel le roi s’opposoit plus fortement encore, fourberie dans laquelle le