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souverains véritables et actuels ne pouvoit être disputée : tels que les Guise qui, dans le plus formidable éclat de leur puissance, prête à les porter sur le trône, n’ont jamais balancé à se déclarer sujets, au temps même où ils osèrent faire considérer Henri III comme déchu de la couronne, et Henri IV comme incapable d’y succéder. Si l’idée du cardinal de Bouillon pouvoit être véritable, non dans un gentilhomme françois comme lui, mais dans un prince, par exemple, de la maison de Lorraine, il s’ensuivroit que quelque patrimoine qu’il eût en France, en renonçant aux charges qu’il posséderoit, il reprendroit cette liberté qu’allègue le cardinal de Bouillon, et une pleine indépendance ; d’où il résulteroit que jamais les rois ne pourroient être assurés de ceux de cette naissance qui, par elle, seroient en tout temps les maîtres de demeurer ou de n’être plus leurs sujets.

Le cardinal de Bouillon ajoute qu’il est volontairement privé de cette liberté par le serment de grand aumônier, laquelle il reprend par sa démission de cette charge. Encore une fois, ce n’est pas d’un gentilhomme françois tel que lui que je parle, c’est d’un prince de la naissance dont il ose se dire, et dont il n’est pas. Si ce qu’il dit là étoit véritable, lui qui avoit un patrimoine en France, lui et les siens, et rien ailleurs, les princes de la maison de Lorraine établis en France et qui y ont tout leur bien ne seroient donc pas sujets du roi, comme il y en a plusieurs qui n’ont ni charge ni gouvernement, et qui par conséquent ne sont liés à ce titre par [aucun] serment : ce paradoxe est aussi nouveau qu’incompréhensible. Mais par qui et à qui est-il si audacieusement avancé ? Par un gentilhomme originaire de la province d’Auvergne, dont les pères n’ont jamais eu ni prétendu aucune distinction ni supériorité quelconque sur pas une des bonnes maisons de cette province, jusqu’au grand-père du cardinal de Bouillon lorsqu’il eut Sedan et Bouillon, et qu’aucun ne lui passa jamais ni devant ni depuis. Et à