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le garde des sceaux ; le grand maître, le grand chambellan, les maréchaux de France, l’amiral, le grand écuyer, quoique plus ancien que l’amiral, qui marche au milieu des maréchaux de France, le colonel général de l’infanterie et le grand maître de l’artillerie sont les officiers de la couronne. Ils sont donc plus de quatre, comme on voit, et je ne pense pas qu’aucun d’eux se laissât persuader de céder au grand aumônier. Quant aux grandes charges de la maison du roi, telles que les premiers gentilshommes de la chambre, les gouverneurs des rois enfants et des fils de France, les premiers chefs des troupes de la garde [du roi], le grand maître de la garde-robe, en voilà aussi plus de quatre, et qui ne seroient pas plus dociles que les officiers de la couronne à céder au grand aumônier. On ne sait donc ce que veut dire le cardinal de Bouillon, ou plutôt lui-même ne le sait pas, mais sa bouffissure est si générale, qu’il se loue d’avoir exercé cette charge très-fidèlement et très-religieusement : c’est une absurdité que son extrême orgueil lui a cachée ; fidèlement, dans une désobéissance éclatante et très-criminelle dix ans durant, et, à son sens, il étoit toujours alors grand aumônier, puisqu’il n’avoit pas donné sa démission ; religieusement, ni ses mœurs, ni la cour, ni le monde ne lui rendirent ce témoignage. Voilà pour le personnel, venons maintenant à la naissance.

En conséqnence de ces démissions de la charge et de l’ordre qu’il veut toujours séparer pour amplifier vainement, il reprend, écrit-il au roi, la liberté que lui donne sa naissance de prince étranger, fils de souverain, ne dépendant que de Dieu et de sa dignité de cardinal, etc. ; c’est-à-dire que c’est un manifeste adressé au roi sous la forme d’une lettre, par lequel il lui dénonce son indépendance prétendue, et sa très-parfaite ingratitude ; i1 attente à la majesté de son souverain en abdiquant sa qualité innée de sujet, et encourt ainsi le crime de lèse-majesté en plein. Je ne répéterai point ce qui a été expliqué (t. V, p. 298 et suiv.) de la nature des