Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/375

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Quoique cette lettre contienne autant de sottises, d’impudence et de folie que de mots, on ne peut s’empêcher d’en faire quelque analyse. Premièrement, il faut avoir bonne haleine et bonne mémoire pour aller jusqu’au bout de la première phrase, et travailler pour démêler les continuels entrelacements de ses parenthèses et de son sens si suspendu. Dans cette phrase autant de faux et de vent que d’insolence. Il a souffert des persécutions qu’il ose reprocher au roi comme les plus injustes, les plus inouïes et les moins méritées. C’est donc lui dire, parlant à lui, qu’il est un tyran, puisqu’il faut l’être pour faire souffrir le plus injustement, et d’une manière inouïe quiconque ne l’a pas mérité. Mais ces souffrances quelles sont-elles ? Après avoir longtemps souffert un spectacle de désobéissance publique sur le premier théâtre de l’Europe, et toutes les menées passibles pour s’y faire soutenir par le pape et tout le sacré collège qui le blâmèrent et se moquèrent de lui, le roi lui saisit son temporel, et par famine l’obligea enfin à exécuter l’ordre qu’il lui avoit donné de revenir en France, où son temporel lui fut rendu, et où, pour tout châtiment, il fut exilé dans ses abbayes.

Voilà donc ces souffrances si injustes, si inouïes qu’il a souffertes, ajoute-t-il, avec une patience outrée à l’égard du monde, de Dieu et de son Église. Mais en quoi Dieu et son Église sont-ils intéressés en cet exil ? Où est l’offense à Dieu, où le préjudice à l’Église ? Quelle part a-t-elle pu y prendre ; et à l’égard du monde où est le scandale ? Il est entier ainsi que le péché dans la désobéissance et dans la lutte de désobéissance poussée si loin et avec tant d’éclat et non dans une punition devenue nécessaire, pour le faire obéir, adoucie incontinent après par le relâchement de ses revenus, et réduite à un simple exil chez lui dans ses abbayes, c’est-à-dire pour un laïque dans ses terres ; et cette patience outrée à le supporter, comment eût-il fait pour ne l’avoir pas ? et quel gré peut-il en prétendre ? Il envoie,