Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/371

Cette page n’a pas encore été corrigée

Bourgogne à celle de Saint-Ouen de Rouen ; et il obtint dans ce voyage la liberté de s’arrêter quelques jours aux environs de Paris, sans toutefois entrer dans la ville. Outre le plaisir d’y voir sa famille et ses amis, il espéra que ce nouvel adoucissement influeroit sur son procès, prêt à juger à la grand’chambre, et lui donneroit moyen d’y veiller avec plus de succès. Il vint donc s’établir pour quelques jours dans le village de Montrouge, et ce fut là qu’il apprit qu’il avoit entièrement perdu son procès, et sans retour toute juridiction sur les moines réformés de la congrégation de Cluni, à l’égard desquels il ne lui étoit rien laissé de plus qu’à tous les abbés commendataires du royaume. À cette nouvelle la rage où il entra ne se peut exprimer. Les fureurs, les injures, les transports, les cris épouvantèrent ; il ne se posséda plus, et se livra tout entier au plus violent désespoir : vingt-quatre heures ne purent apaiser une agitation si violente. Le Nain, son rapporteur ; le procureur général, depuis chancelier, dont l’avis et les conclusions ne lui avoient pas été favorables ; le parlement entier étoient l’objet de ses imprécations. Le lendemain il passa la Seine au bac des Invalides, et s’en alla à Ormesson chez Coulanges qui lui étoit fort attaché.

Dans ce même temps il se faisoit une tentative pour son retour, il parut même que le roi n’y résisteroit pas longtemps ; mais le moment n’en étoit pas encore venu, et ce délai, qui concourut avec la perte de ce procès, acheva de lui tourner la tête et de précipiter sa résolution. Il n’avoit vu à Montrouge que ses neveux d’Auvergne et ses gens d’affaires. Il ne voulut voir personne à Ormesson que les mêmes, deux ou trois amis particuliers, quelques gros bonnets des jésuites, comme les PP. Gaillard et de La Rue, qui étoient tout à lui, encore les fit-il attendre longtemps avant de les voir, par grandeur ou par humeur. Il demeura une quinzaine à Ormesson, où apparemment il arrangea toutes les mesures de sa fuite, sans sortir presque