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CHAPITRE XVII.


Situation du cardinal de Bouillon. — État de la famille du cardinal de Bouillon, et ses idées bâties dessus. — Cardinal de Bouillon, furieux de la perte d’un procès, passe à Montrouge [et] à Ormesson. — Évasion du cardinal de Bouillon, que le prince d’Auvergne conduit à l’armée des ennemis, où il reçoit toutes sortes d’honneurs. — Lettre folle du cardinal de Bouillon au roi. — Analyse de cette lettre.


Le cardinal de Bouillon languissoit d’ennui et de rage dans son exil dont il ne voyoit point la fin, quoique l’adoucissement qu’il en avoit obtenu lui eût donné des espérances. Incapable de se donner aucun repos, il avoit passé tout ce loisir forcé dans une guerre monastique. Il avoit voulu soutenir, et même étendre, sa juridiction d’abbé de Cluni sur les réformés. Ceux-ci, profitant de la disgrâce, n’oublièrent rien pour secouer ce que la faveur passée leur avoit fait subir de joug. Ce ne furent donc que procès de part et d’autre sur ce que les moines traitoient d’entreprises, et le cardinal de révolte. Il n’étoit pas douteux que l’abbé de Cluni ne fût général de cet ordre et le supérieur immédiat de la congrégation. Il ne l’étoit pas non plus qu’il ne fallût être moine pour pouvoir être général et en exercer l’autorité. La grandeur de cette abbaye en collations immenses l’avoit fait usurper par des séculiers puissants. Les cardinaux, les premiers ministres, les princes du sang qui l’eurent en commende prétendirent les mêmes droits que les abbés réguliers ; et la dispute, avec divers succès, n’avoit point cessé jusqu’au temps que le cardinal de Bouillon eut cette abbaye.