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Bourgogne, qu’elles l’abandonnoient ; et ses amis avouoient que sa faute étoit inexcusable. Mais la chance tourna bientôt. Après le premier étourdissement, l’excuse du petit bon parut valable aux dames qui avoient leurs raisons pour l’aimer et pour craindre de l’irriter ; elle la parut aussi dans l’armée, où le maréchal n’étoit pas aimé. Plusieurs de ceux qu’il avoit si publiquement interrogés se laissèrent entendre que, dans la surprise où ils s’étoient trouvés, ils n’avoient pas voulu se commettre. On en vint bassement à cette discussion que cette allure du maréchal, et son prétendu propos ne pouvoit aller aux vivandières et aux autres femmes des armées, qui alloient toutes à cheval jambe deçà, jambe delà, au contraire des dames, surtout de celles qui montoient à cheval avec Mme la duchesse de Bourgogne. On contesta jusqu’au pouvoir des généraux d’armée de se faire justice à eux-mêmes de leurs inférieurs, pour des choses personnelles et où le service n’entroit pour rien : en un mot, Heudicourt, au sortir de Calais, où il ne fut pas longtemps, demeura le petit bon à la mode, en dépit du maréchal. Tant de choses lui tournèrent mal cette campagne qu’il prit la résolution de s’en aller aux eaux. Il fit tant qu’il l’obtint. Harcourt, qui ne faisoit qu’arriver à Strasbourg après les avoir prises tout à son aise, eut ordre de revenir, et la permission de faire le voyage à petites journées dans son carrosse. Peu de jours après être arrivé, il se fit recevoir duc et pair au parlement. Il demeura plus d’un mois à Paris, et s’en alla après dans son carrosse à petites journées à Dourlens, où il avoit rendez-vous avec le maréchal de Villars ; et de là l’un à l’armée de Flandre, l’autre droit à Bourbonne sans passer à Paris ni à la cour, ce qui parut assez extraordinaire et peu agréable. Ainsi un boiteux en remplaça un autre, et un général aussi peu en état de fatiguer que celui à qui il succédoit. L’un commença, l’autre finit par Bourbonne ; et Harcourt par la Flandre qu’il avoit évitée d’abord.