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d’enfants. Ce maréchal de Joyeuse étoit une manière de sacre et de brigand, qui pilloit tant qu’il pouvoit pour le manger avec magnificence. Il avoit eu le gouvernement de Metz et du pays Messin à la mort du duc de La Ferté. Il fut donné deux jours après au maréchal de Villars, en lui conservant les quinze mille livres d’appointements, comme ayant perdu le gouvernement de Fribourg.

Le marquis de Renti le suivit de près dans une grande piété, et depuis quelque temps dans une grande retraite. Il étoit fils de ce marquis de Renti qui a vécu et est mort en réputation de sainteté, et il étoit frère de la maréchale de Choiseul, qui ne le survécut que de quelques mois. C’étoit un très-brave, honnête et galant homme, d’un esprit médiocre et assez difficile, quoique très-bon homme ; mais impétueux, médiocre à la guerre pour la capacité, mais honorable et tout à fait désintéressé. Il étoit lieutenant général, et lieutenant général de Franche-Comté, où on ne le laissa guère commander assez mal à propos ; mais le titre en est devenu un d’exclusion. Il n’étoit pas riche, et a laissé un fils très-brave et honnête homme aussi, mais que l’extrême incommodité de sa vue a retiré fort tôt du service et presque du monde.

Le maréchal de Villars trouva l’armée assemblée sous Cambrai. Elle étoit de cinquante-sept bataillons et de deux cent soixante-deux escadrons ; toutes les places outre cela garnies. Mais ces troupes n’étoient pas bien complètes, même d’officiers. Depuis un mois le prêt leur étoit payé et on leur donnoit du pain passable et quelque viande. Albergotti se défendoit bien dans Douai. Le duc de Mortemart y commanda une sortie qui fit un grand désordre dans les tranchées, tua beaucoup de monde et n’en perdit presque point. L’attaque aussi fut vigoureuse, et de part et d’autre on travailla fort sous terre pour faire des mines et pour les éventer. Outre ce qui faisoit le siége, l’armée des ennemis étoit aussi forte que celle du roi, et tenta une entreprise sur