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Berwick et de tous ses biens d’Angleterre ; de faire le second duc et pair, et le troisième grand d’Espagne, où son dessein étoit de chercher à le marier et à l’attacher. Trois fils héréditairement élevés aux trois premières dignités des trois premiers royaumes de l’Europe, il faut convenir que ce n’étoit pas mal cheminer à quarante ans avec tout ce qu’il avoit d’ailleurs ; mais l’Angleterre lui manqua. Il eut beau la ménager toute sa vie outre mesure, en courtiser le ministère, recueillir tous les Anglois considérables qui passoient en France, lier un commerce d’amitié étroite avec ses ambassadeurs en France, jamais il ne put obtenir de rétablissement, tellement que, n’y ayant plus de ressource en France pour l’aîné, après son exclusion de la dignité de duc et pair, il se rejeta pour lui sur la grandesse, l’attacha en Espagne, l’y maria à une sœur du duc de Veragua, lequel mourut après sans enfants, et laissa à cette sœur et à ses enfants plus de cent mille écus de rente, avec des palais, des meubles et des pierreries en quantité, et les plus grandes terres. J’aurai lieu d’en parler plus amplement. Le scandale fut grand de la complaisance qu’eut le roi pour cet arrangement de famille qui mettoit sur la tête d’un cadet la première dignité du royaume après son père, et qui réservoit l’aîné à l’espérance de celle d’Angleterre ; mais le temps des monstres étoit arrivé. Berwick acheta Warties, médiocre terre sous Clermont en Beauvoisis, qu’il fit ériger sous le barbare et le honteux nom de Fitz-James : autre faiblesse qu’on eut encore pour lui. Le roi qui passa la chose fut choqué du nom, lequel en ma présence en demanda la raison au duc de Berwick qui la lui expliqua sans aucun embarras, et que voici :

Les rois d’Angleterre en légitimant leurs enfants leur donnent un nom et des armes qui passent au parlement d’Angleterre et à leur postérité. Les armes, qui sont toujours celles d’Angleterre, ont des sortes de brisures distinctes ; le nom varie. Ainsi le duc de Richemont, bâtard de