Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/350

Cette page n’a pas encore été corrigée

n’aient point de rang en France, le roi l’avoit accordé à ceux qui avoient suivi le roi Jacques, qui avoit donné la Jarretière à Berwick sur le point de la révolution. C’étoit bien et rapidement pousser la fortune sous un roi qui regardoit les gens de cet âge comme des enfants, mais qui, pour les bâtards, ne leur trouvoit non plus d’âge qu’aux dieux.

Il y avoit déjà un an que Berwick, qui vouloit tout accumuler sur sa tête et le partager à ses enfants, avoit demandé d’être fait duc et pair. Le roi à qui de fois à autre il prenoit des flux de cette dignité, qu’il avoit tant avilie, en avoit aussi des temps de chicheté. Berwick donna dans un de ceux-là, et n’avoit pu réussir. En l’occasion dont je parle, il sentit qu’il étoit cru nécessaire, il en saisit le moment ; il fit entendre qu’il ne pouvoit partir mécontent, et se fit faire duc et pair. Berwick n’avoit qu’un fils de sa première femme, et il avoit de la seconde plusieurs fils et filles. Il étoit sur l’Angleterre comme les juifs qui attendent toujours le Messie. Il se flattoit toujours aussi d’une révolution qui remettroit les Stuarts sur le trône, et lui par conséquent en ses biens et honneurs. Il étoit fils de la sœur du duc de Marlborough dont il étoit fort aimé, et avec lequel, du gré du roi et du roi d’Angleterre, il entretenoit un commerce secret, dont tous trois furent les dupes, mais qui servoit à Berwick à entretenir d’autres en Angleterre, et à y dresser ses batteries, en sorte qu’il espéra son rétablissement particulier, même sous le gouvernement établi. C’est dans ce principe qu’il obtint la grâce inouïe du choix de ses enfants, et encore de le pouvoir changer tant qu’il voudroit, pour succéder à sa grandesse. Par la même raison il osa proposer, et on eut la honteuse faiblesse de la lui accorder, l’exclusion formelle de son fils aîné dans ses lettres de duc et pair, dans lesquelles il fit appeler tous ceux du second lit.

Son projet étoit de revêtir l’aîné de la dignité de duc de