Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/348

Cette page n’a pas encore été corrigée

par vengeance personnelle contre le roi et [pour] se faire de plus en plus un grand nom, l’autre pour gagner des trésors, [ce] qui étoit à chacun leur passion dominante, avoit résolu de profiter de l’extrême faiblesse et du délabrement de nos troupes et de nos places pour pousser pendant cette campagne leurs conquêtes le plus avant qu’ils pourroient. Albergotti, lieutenant général, et Dreux, maréchal de camp, avoient eu ordre d’aller à Douai, où ils eurent à peine le temps de donner ordre aux choses les plus pressées, qu’ils furent investis et la tranchée ouverte du 4 au 5 mai. Pomereu, frère du feu conseiller d’État et ancien capitaine aux gardes, avoit eu ce gouvernement en se retirant. Il y avoit diligemment pourvu à tout ce qu’il avoit pu. Il compta pour moins le dégoût de se voir commandé dans sa place, que la démarche d’en sortir au moment d’un siége. Il passa donc sur toute autre considération, et fut d’un grand et utile secours à Albergotti pendant tout ce siége. La garnison y étoit nombreuse et choisie, les munitions de guerre et de bouche abondantes ; tout s’y prépara à une belle défense. M. le Duc étoit déjà à l’armée, le roi d’Angleterre y arriva sous le nom et l’incognito ordinaire de chevalier de Saint-Georges, comme le maréchal de Villars étoit en situation de pouvoir combattre les ennemis.

Le roi, piqué de ses pertes continuelles, désiroit passionnément une victoire qui ralentît les desseins des ennemis, et qui pût changer l’État de la triste et honteuse négociation qui se traitoit à Gertruydemberg. Cependant les ennemis étoient bien postés. Villars avoit perdu en arrivant sur eux une belle occasion de les battre. Toute son armée avoit remarqué cette faute, il en avoit été averti à temps par plusieurs officiers généraux et par le maréchal de Montesquiou, sans les avoir voulu croire, et il n’osoit chercher à les attaquer après les dispositions qu’il leur avoit laissé le loisir de faire. L’armée cria beaucoup d’une faute si capitale. Villars, empêtré de sentir que ce n’étoit pas à tort, paya d’effronterie