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duquel il n’a été fait que trop mention sur le siège de Lille et depuis. Mme de La Vieuville étoit, comme on l’a dit ailleurs, amie intime de Mme de Roquelaure et fort bien avec Mme de Ventadour, Mme d’Elboeuf, Mme d’Espinoy et Mlle de Lislebonne. Son art étoit une application continuelle à plaire à tout le monde, une flatterie sans mesure, et un talent de s’insinuer auprès de tous ceux dont elle croyoit pouvoir tirer parti, mais c’étoit tout ; du reste, appliquée à ses affaires, avec l’attachement que donnent le besoin et la qualité de deuxième femme qui trouve des enfants de la première et des affaires en désordre ; souvent à la cour frappant à toutes les portes, rarement à Marly. Elle vint aussitôt et plusieurs fois chez Mme de Saint-Simon, en grands compliments et respects infinis. Nous ne la connoissions point, et nous la croyions bonne femme et douce ; nous espérâmes qu’elle seroit là aussi commode qu’une autre. L’expérience nous montra bientôt qu’intérêt et bassesses, sans aucun esprit pour contre-poids, sont de mauvaise compagnie. Cette pauvre femme s’attira par sa conduite des coups de caveçon dont elle perdit toute tramontane, sans avoir reçu secours ni consolation de personne, et obtint enfin pardon de Mme de Saint-Simon après bien des soumissions et des larmes.

Son mari étoit une manière de pécore lourde et ennuyeuse à l’excès, qui ne voyoit personne à la cour, et à qui personne ne parloit, quoique cousin germain de la maréchale de Noailles, enfants du frère et de la soeur. Il avoit eu le gouvernement de Poitou et la charge de chevalier d’honneur de la reine, en survivance de son père, en se mariant la première fois. Son père étoit aussi un fort pauvre homme, qui, par la faveur du sien, avoit eu un brevet de duc, et mourut gouverneur de M. le duc de Chartres, depuis d’Orléans, en 1689, un mois après avoir été fait chevalier de l’ordre. C’étoient de fort petits gentilshommes de Bretagne dont le nom étoit Coskaër, peu ou point connu avant 1500