Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/329

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accablement, se font jour jusque dans les plus opposés sanctuaires.

Ce même jour Madame, Mademoiselle et M. le duc de Berry même, qui me reçurent avec une extrême joie, s’expliquèrent tout aussi franchement tous trois avec moi sur l’honneur en propres termes, et la satisfaction qu’ils res-sentoient d’un choix qu’ils avoient uniquement désiré. J’allai avec M. de Lauzun l’après-dînée à Meudon, où Monseigneur me reçut avec plus de politesse et d’ouverture que le matin.

Le soir, au retour, on m’avertit fort sérieusement qu’il falloit aller chez Mme de Maintenon. Je n’y avois pas mis le pied depuis qu’au mariage de la duchesse de Noailles j’y avois été avec la foule de la cour. Mme de Saint-Simon ni moi n’avions jamais eu aucun commerce avec elle, pas même indirectement, et jamais nous ne l’avions recherché. Je ne savois pas seulement comment sa chambre étoit faite. Il fallut croire conseil. J’y allai le soir même. Sitôt que je parus on me fit entrer. Je fus réduit à prier le valet de chambre de me conduire à elle, qui m’y poussa comme un aveugle. Je la trouvai couchée dans sa niche, et auprès d’elle la maréchale de Noailles, la chancelière, Mme de Saint-Géran qui toutes ne m’effrayoient pas, et Mme de Caylus. En m’approchant, elle me tira de l’embarras du compliment en me parlant la première. Elle me dit que c’étoit à elle à me faire le sien du rare bonheur et de la singularité inouïe d’avoir une femme qui, à trente-deux ans, avoit un mérite tellement reconnu, qu’elle étoit choisie, avec un applaudissement universel, pour être dame d’honneur d’une princesse de quinze [ans], toutes choses sans exemple et si douces pour un mari qu’elle ne pouvoit assez m’en féliciter. Je répondis que c’étoit de ce témoignage même que je ne pouvois assez la remercier ; puis, regardant la compagnie, j’ajoutai tout de suite, avec un air de liberté, que je croyois que les plus courtes visites étoient