Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/326

Cette page n’a pas encore été corrigée

J’eus plutôt fait de sortir par la porte de la galerie qu’on m’ouvrit ; puis, songeant que le chancelier étoit dans la chambre du roi avec les ministres, attendant le conseil, j’allai lui dire ce qu’il venoit de se passer, car pour M. de Beauvilliers il y avoit été présent. Je fus suffoqué de toute la nombreuse compagnie, comme il arrive en ces occasions. Je m’en dépêtrai avec peine et politesse, mais avec sérieux, dédaignant jusqu’au bout de montrer une joie que je n’avois point, comme j’avois soigneusement évité tout terme de remercîment avec le roi et Monseigneur, et comme je l’évitai avec tous, de la réception la plus empressée desquels je ne parlerai pas.

Je mandai aussitôt à Mme de Saint-Simon qu’elle étoit nommée et déclarée. Cette nouvelle, quoique si prévue, la saisit presque comme si elle ne l’eût pas été. Après avoir un peu cédé aux larmes, il fallut faire effort et venir s’habiller chez la duchesse de Lauzun, où malgré les précautions, les portes furent souvent forcées. Les deux sœurs allèrent chez Mme la duchesse de Bourgogne qui étoit à sa toilette, fort pressée d’aller dîner à Meudon, où, non sans cause, Monseigneur lui reprochoit souvent d’arriver tard. L’accueil public fut tel qu’on le peut juger, celui de Mme la duchesse de Bourgogne admirable. En se levant pour aller à la messe, elle l’appela, la prit par la main, et la mena ainsi jusqu’à la tribune. Elle lui dit que, quelque joie qu’elle eût de la voir où elle la désiroit, elle vouloit qu’elle fût persuadée qu’elle l’avoit servie comme elle l’avoit souhaité ; que pour cela elle lui avoit fait le plus grand sacrifice qu’il fût possible de lui faire, parce que, la désirant passionnément, elle avoit mis tout en usage pour en détourner le roi, jusque-là même qu’il avoit cru un temps qu’elle avoit quelque chose contre elle ; qu’à la vérité elle avoit été fort embarrassée, parce que l’aimant trop et la vérité aussi pour lui vouloir nuire, et ayant sur elle le dessein dont elle lui avoit parlé de la faire succéder à la duchesse du Lude, elle n’avoit