Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/322

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Je dis à M. [le duc] et à Mme la duchesse d’Orléans, et nous fîmes dire aussi à Mme la duchesse de Bourgogne que nous n’y pouvions plus tenir, et nous nous en retournâmes à Paris la veille de la Pentecôte, où nous barricadâmes bien notre porte et où Mme de Saint-Simon se trouva fort incommodée de tous ces chagrins et d’une si étrange violence. Au bout de huit jours, persécuté par nos amis, je retournai seul à Versailles. Au bout du pont de Sèvres, le maréchal de Boufflers qui revenoit à Paris m’arrêta, et me fit mettre pied à terre pour me parler à l’écart. Il m’avoit écrit le matin que mon absence de la cour ne pouvoit plus se soutenir sans être de très-mauvaise grâce. Il me confirma la même chose, puis me témoigna que le roi étoit en peine si j’obéirois ; que cette inquiétude le blessoit toujours, quoique Mme la duchesse de Bourgogne lui eût dit, et de là se mit à m’exhorter comme sur une chose nouvelle, et à me faire entendre nettement qu’un refus me perdroit sans ressource, et avec des tons et des airs de réticence si marqués, et toujours ajoutant qu’il savoit bien ce qu’il disoit, et qu’il savoit bien pourquoi il me le disoit, que je ne doutai point que le roi ne l’en eût expressément chargé. Le maréchal savoit que j’étois enfin résolu ; il me rencontroit allant à Versailles, pourquoi il m’avoit écrit ; il n’avoit donc rien à me dire, pourquoi donc m’arrêter, m’exhorter, me menacer ? car il me dit encore qu’on m’enverroit si loin et si mal à mon aise que j’aurois de quoi me repentir longtemps-Pourquoi tout ce propos, désormais inutile, avec cette inquiétude du roi s’il n’avoit pas eu ordre de lui de le faire, et de s’assurer bien de l’obéissance qu’il craignoit tant de hasarder ? Je sus à Versailles que ce qui retenoit la déclaration de la dame d’honneur étoit l’indétermination sur la dame d’atours. Mme de Saint-Simon n’osa demeurer à Paris que peu de jours après moi. Nous étions cependant fort mal à notre aise parmi les divers regards, les propos différents, et sûrement les mauvais offices qui pleuvent toujours sur les personnes