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air de confiance sur sa douleur de l’état auquel il se sentoit avec le roi, se répandre en tendresse et en reconnoissance pour lui, bien inculquer que cette tendresse seule lui arrachoit ce sacrifice, et l’espérance de rentrer par un effort si douloureux dans ses bonnes grâces et sa familiarité premières, appuyer que nulle autre considération n’eût pu l’obtenir de lui.

Il entra très-bien dans ce raisonnement, et le maréchal aussi. J’en pris occasion de m’étendre sur l’inutilité de la vie suivie et d’une conduite unie et sage avec le roi et avec elle, que leur goût étoit constant pour les prosélytes et les pénitents du monde, que tout étoit plein de gens irréprochables, même dans les choses de leur gré, qui n’avoient jamais pu rien faire, et de fortunes agréables, de plusieurs solides, de quelques-unes même éclatantes de gens qu’ils avoient haïs et méprisés, de gens perdus par tout ce qu’une conduite peut entasser de plus misérable et de plus honteux, du retour desquels leur amour-propre s’étoit trouvé flatté, qu’ils avoient récompensé en ces personnes ; qu’une dévotion ignorante y aidoit encore par la considération mal appliquée de la miséricorde de Dieu sur les pécheurs, qui les rendoit dupes de l’effort de l’ambition, qui souvent prenoit la place de l’amour des plaisirs, et changeoit le libertinage en une assiduité dont la constance eût langui sans être regardée, et dont le retour étoit au contraire presque toujours salarié ; que, égaré au point où il l’étoit, cette imitation lui restoit pour toute ressource, que je le conjurois de songer avec fruit qu’il ne lui restoit plus un seul instant à perdre pour y recourir, qui tous lui étoient infiniment précieux.

Le maréchal appuya de son côté, mais je vis distinctement et avec frayeur que M. le duc d’Orléans étoit moins réduit que lorsque nous l’avions quitté le matin, et qu’il avoit funestement repris haleine pendant notre courte absence. Je le pressai donc, et lui demandai s’il commenceroit par le roi