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courriers pour Rome : l’un par Turin, adressé par M. le duc d’Orléans à M. de Savoie, à qui, nonobstant la guerre, on donnoit part du mariage, et qui étoit prié en même temps de faire passer et repasser le courrier sûrement et diligemment ; l’autre à tout hasard par Marseille, et par la voie de la mer. Mais M. de Savoie en usa en cette occasion avec toute la politesse et toute la diligence possible.

Le mardi, qui étoit le lendemain de ce que je viens de raconter de Saint-Cloud, Mademoiselle alla dîner à Marly avec M. [le duc] et Mme la duchesse d’Orléans, sans voir personne. Au sortir de table, ils la menèrent chez Madame, et de là chez le roi par les derrières, qu’ils trouvèrent dans son grand cabinet environné de Monseigneur, de Mgr [le duc] et Mme la duchesse de Bourgogne, M. le duc de Berry et des principaux officiers seulement des deux sexes. Les dames d’honneur et d’atours de Madame et de Mme la duchesse d’Orléans, et Mme de Mare, gouvernante de Mademoiselle, les y suivirent. Madame présenta Mademoiselle au roi, qui se prosterna, et que le roi releva et embrassa aussitôt, et tout de suite la présenta à Monseigneur, à Mgr [le duc] et à Mme la duchesse de Bourgogne et à M. le duc de Berry, qui tous la baisèrent, puis à toute la compagnie. Le roi, pour ôter tout embarras, avec cette grâce qu’il avoit en tout, défendit à Mademoiselle de dire un mot à personne, à M. le duc de Berry de lui parler, et abrégea promptement l’entrevue. Mme la duchesse de Bourgogne alla montrer un moment Mademoiselle au salon, où tout ce qui étoit à Marly s’étoit rassemblé, et la mena ensuite chez Mme de Maintenon. Au sortir de là, Mademoiselle passa chez Madame, et s’en alla coucher à Versailles, où, le surlendemain jeudi, le roi retourna, contre l’ordinaire, qui étoit toujours le samedi. La raison fut que la Pentecôte étoit le dimanche suivant, 8 juin, et que le roi faisoit toujours ses dévotions la veille.

Nous avions fort balancé, Mme de Saint-Simon et moi, d’aller ou n’aller pas à Versailles, jusqu’à ce qu’il y eût une