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choses qui se dirent en tête à tête en nous promenant dans cette orangerie, pendant une demi-heure. La duchesse de La Ferté le vint interrompre, d’où incontinent nous nous retrouvâmes dans le gros du monde, que je laissai aussitôt pour aller faire mes compliments à Madame qui écrivoit, et qui me reçut avec des larmes de joie. En même temps Mme de Saint-Simon étoit environnée de foule et de compliments, et de gens qui lui en faisoient d’autres à découvert sur ce qu’elle alloit être dame d’honneur de la future duchesse de Berry. Elle répondit avec modestie sur son incapacité, son âge, ses empêchements, sur le grand nombre d’autres personnes convenables, et parmi tout cela fit si bien sentir ce qu’elle sentoit elle-même, qu’il lui fut dit par Mme de Châtillon qu’elle se portoit donc elle-même pour trop jeune : à quoi elle répondit très-franchement que oui. Mademoiselle qui à peine la connoissoit, lui fit toutes les prévenances et les caresses imaginables ; enfin cette opinion de la place qu’elle alloit remplir se trouva si répandue parmi ce peuple femelle de la cour, que les bassesses lui furent prodiguées à en avoir honte et pitié, et que ses craintes se renouvelèrent ; elle fut en calèche avec quelque peu de dames au-devant de M. [le duc] et de Mme le duchesse d’Orléans qui venoient de Sceaux, donner part du mariage. L’allégresse fut grande, ils se pressèrent pour les mettre dans leur carrosse, et arrivèrent ainsi dans la cour. Tout y courut ; dès qu’ils m’aperçurent ce furent des cris de joie, et en mettant pied à terre, des embrassades réitérées et des compliments réciproques.

La foule illustre les environna, Madame et Mademoiselle les rencontrèrent et descendirent pour se promener avec eux et se faire voir au peuple, dont fourmilloient la cour et les jardins. En montant en calèche ils me prièrent instamment de les attendre, afin qu’un peu débarrassés d’une cour si nombreuse, ils me pussent entretenir et se répandre avec moi, et je me promenai en les attendant en bonne et grande