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Marly. Alors ma joie fut complète : le triomphe et la sûreté de ceux à qui j’étois attaché, la surprise et l’extrême dépit de ceux a qui je ne l’étois pas, l’amour-propre d’un tel succès où j’avois eu une part si principale en tant de sortes, la différence entière qui en résultoit pour ma situation présente et future, toutes ces choses me flattèrent à la fois. J’écrivis aussitôt à M. [le duc] et Mme la duchesse d’Orléans qui le lendemain matin mardi me mandèrent de les aller trouver ce même jour à Saint-Cloud, de bonne heure.

Ce voyage fut bien différent du dernier, où je leur avois porté la négative de la Choin. Mme de Saint-Simon et moi trouvâmes Saint-Cloud retentissant de joie. La foule brillante y étoit déjà ; tout s’empressa de me témoigner sa joie : je fus complimenté de chacun, environné sans cesse. À un accueil si surprenant, je me crus presque le visité. La plupart me parlèrent de cette grande affaire comme de mon ouvrage, ce que je ne fis jamais semblant d’entendre. Environné, accolé, entraîné de part et d’autre, dont Mme de Saint-Simon eut aussi toute sa part, je fus poussé à travers ce vaste appartement, au fond duquel étoit Mademoiselle avec Mme la princesse de Conti, Mlles ses filles et un groupe de personnes considérables qui de Marly et de Paris étoient accourues. Sitôt que Mademoiselle m’aperçut, elle s’écria, courut à moi, m’embrassa des deux côtés, et tout de suite me prit par la main, laissa là tout le monde, et du salon me mena dans l’orangerie qui y est contiguë, et l’enfila. Là, en liberté de ce grand monde qui ne nous voyoit que de loin, elle se répandit en remercîments dont ma surprise fut telle que je demeurai sans répondre. Elle le sentit et croyant m’en tirer, elle m’y plongea de plus en plus en me racontant les choses principales que j’avois faites ou conseillées sur son mariage, et y mit le comble en m’apprenant que M. le duc d’Orléans lui contoit tout à mesure ; qu’elle n’avoit jamais rien ignoré de tout ce qui s’étoit passé dans cette affaire ; que c’étoit pour cela qu’elle sortoit presque toujours