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plaisir dans une affaire si agréable étoit qu’il y avoit dans leur famille de quoi se communiquer une alliance si honorable. À l’instant Mme la Duchesse échappant à elle-même : « Quoi ! votre fille ? répondit-elle d’un ton aigre ; mon fils quant à présent est un trop mauvais parti, ses affaires sont dans un désordre étrange, on lui dispute tout, et on ne sait encore ce qui lui restera de bien, et votre fille est trop jeune pour la pouvoir marier. » Mme la duchesse d’Orléans, à mon avis trop bonne d’avoir dès lors fait cette ouverture, et trop douce de l’avoir après continuée, repartit que M. le Duc auroit toujours de quoi la satisfaire, ce que M. le duc d’Orléans reprit aussi, et Mme la duchesse d’Orléans ajouta l’âge de Mlle sa fille. Mme la Duchesse le disputa pour la soutenir trop jeune, et toutes deux poussèrent jusqu’aux dates et aux époques ; Mme la Duchesse vaincue, conclut plus aigrement encore qu’elle ne vouloit marier son fils de longtemps. La pluie et le beau temps relevèrent quelques moments de silence. Mme la duchesse d’Orléans dit qu’elle avoit beaucoup d’affaires, et pria Mme la Duchesse de tenir sa visite pour reçue, puisqu’elle alloit chez elle lorsqu’elle l’avoit rencontrée dans le jardin. Mme la Duchesse se jeta aux compliments et dit qu’elle monteroit incessamment chez elle. Mme la duchesse d’Orléans la pria de n’en rien faire, M. le duc d’Orléans aussi, enfin ils se quittèrent réciproquement les visités, et se séparèrent, Mme la Duchesse soulagée d’avoir au moins insolenté sa sœur, et celle-ci riant de bon cœur de cette rage montée au point de ne la pouvoir cacher. Je supprime le reste de cette belle journée pour M. [le Duc] et Mme la duchesse d’Orléans ; mais cette visite à Mme la Duchesse m’a paru trop plaisante et trop curieuse pour ne la pas rapporter.