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fille sous ses noms, porta leurs santés à la compagnie, et quoique M. et Mme d’Orléans ne fussent pas à table, les fit boire à lui et faire raison aux autres, en un mot, on ne vit jamais Monseigneur si gai, si occupé, si rempli de quelque chose. Le repas fut allongé, les santés réitérées, en un mot, allégresse complète. De leur vie, M. [le duc] et Mme la duchesse d’Orléans ne furent si surpris que d’une réception si fort inespérée. On peut croire qu’ils n’eurent pas peine à faire merveilles de joie, de reconnoissance, de respect. Mme la duchesse de Bourgogne, qui se tint toujours là, anima tout, et Mgr le duc de Bourgogne fut si aise et du mariage, et de le voir si bien pris, qu’il en haussa le coude jusqu’à tenir des propos si joyeux, qu’il ne pouvoit les croire le lendemain. Monseigneur poussa la chose jusqu’à vouloir mener le lendemain M. le duc de Berry à Saint-Cloud voir Mademoiselle ; mais le roi, plus mesuré, dit qu’il falloit qu’elle le vînt voir auparavant, qu’il lui présenteroit le duc de Berry, et que ce ne seroit que le surlendemain, pour donner un jour à la préparation de l’entrevue.

Le retour de chasse et la visite achevée, M. [le duc] et Mme la duchesse d’Orléans, allèrent chez Mme la Duchesse lui donner part du mariage auquel en effet elle en prenoit tant. Soit que dans ces premiers moments elle craignît les compliments et les curieux, soit qu’elle ne sût que devenir, comme il arrive dans ces crises d’angoisses, elle étoit sortie de chez elle et se promenoit dans les jardins, fort peu accompagnée. Mme la duchesse d’Orléans parla la première, et lui fit excuse de n’avoir pu le lui dire plus tôt sur ce qu’elle arrivoit de Saint-Cloud et ne faisoit que sortir de chez Monseigneur. Le remercîment fut d’un froid à glacer. M. le duc d’Orléans prit un peu la parole pour les soulager toutes deux ; ensuite Mme la duchesse d’Orléans, pour adoucir ces premiers moments, ou plutôt pour agir en conformité de la lettre de M. le duc d’Orléans au roi qui détermina le mariage, dit à Mme la duchesse que ce qui lui faisoit un nouveau