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pria de se vaincre le plus tôt qu’il pourroit, et de l’avertir dès qu’il pourroit souffrir la déclaration.

Le coup décisif ainsi frappé, le roi, infiniment à son aise, le dit à son neveu une demi-heure après, lui permit de porter cette bonne nouvelle à Mme la duchesse d’Orléans, trouva bon qu’il en parlât à Mme la duchesse de Bourgogne et à Mme de Maintenon uniquement et à la dérobée, et imposa sur tout le reste un silence exact à sa bouche et jusqu’à sa contenance. M. le duc d’Orléans lui embrassa les genoux, car il étoit seul avec lui, lui exprima sa juste reconnoissance, et le supplia instamment de ne lui pas refuser d’avancer une si grande joie à Mademoiselle, en lui répondant de son secret. Après l’avoir obtenu, il lui représenta avec respect, mais sans empressement, pour ne le pas gêner, combien Madame auroit lieu de se plaindre de lui, s’il ne la mettoit pas dans la confidence. Le roi trouva bon que, sous le même secret, il le lui dît aussi, en la priant de sa part de ne lui en parler pas à lui-même. M. le duc d’Orléans alla tout de suite chez Madame, qui, ne s’étant jamais flattée que ce mariage pût réussir, et ayant parfaitement ignoré toutes les démarches qui s’étoient faites, se trouva tout à coup comblée de la plus extrême joie ; de là il monta chez Mme la duchesse d’Orléans, où, à portes fermées, ils se livrèrent ensemble à toute la leur. Bientôt après ils s’en allèrent tous deux à Saint-Cloud, et revinrent de bonne heure, en grand désir de voir la déclaration éclater.

D’Antin avoit écumé depuis le jeudi jusqu’au dimanche, car les dates sont ici importantes, que M. le duc d’Orléans avoit donné une lettre au roi qu’il lui avoit écrite, et s’étoit écrié en l’apprenant qu’il ne comprenoit pas comment il avoit pu faire pour la donner en son absence, tant il fut frappé du fait. Ce fut un trait qui nous revint bientôt, et qui nous montra à plein combien il étoit attentif à espionner et à contraindre M. le duc d’Orléans dans les cabinets du roi, dans la crainte du mariage. Or le jeudi fut le jour