Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/282

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’agir que je ne l’avois encore vu. Il s’amusa je ne sais où dans la maison. Je fis encore quelques tours de parterre avec Mme de Mare, ma parente et mon amie de tout temps, où on me vint dire que Mme de Fontaine-Martel me de-mandoit au château. En y entrant on me fit passer dans le cabinet où Mme la duchesse d’Orléans écrivoit. C’étoit elle qui, sous cet autre nom, m’avoit envoyé chercher. Mme de Fontaine-Martel lui avoit dit dans cet entre-deux de temps l’horreur dont elle m’avoit glacé, et Mme la duchesse d’Orléans en vouloit raisonner avec moi. Nous déplorâmes ensemble le malheur d’avoir affaire à de telles furies. Elle me protesta que l’apparence n’y étoit pas même avec une étrangère, combien moins avec une fille, que M. le duc d’Orléans avoit tendrement aimée dès l’âge de deux ans, où il pensa se désespérer dans une grande maladie qu’elle eut, pendant laquelle il la veilloit jour et nuit, et que toujours depuis cette tendresse avoit été la même, et fort au-dessus de celle qu’il avoit pour son fils. Nous convînmes qu’il étoit non-seulement cruel et inutile d’en parler à M. le duc d’Orléans, mais dangereux pour n’augmenter pas son embarras et ses peines, mais aussi qu’il n’y avoit pas une minute de temps à perdre pour finir le mariage. Enfin ils partirent dans la ferme résolution de redoubler de force et de courage pour précipiter le mariage, et de faire leurs derniers efforts pour une très-prompte conclusion.

Dès le lendemain vendredi, ils firent bon usage auprès de Mme la duchesse de Bourgogne et de Mme de Maintenon du refus opiniâtre de Mlle Choin, que je leur avois porté à Saint-Cloud, qui, par Mme la duchesse de Bourgogne et Mme de Maintenon, passa au roi avec tout l’assaisonnement nécessaire le même soir du vendredi. Le lendemain matin samedi, M. le duc d’Orléans parla au roi, et lui demanda avec cette sorte de hardiesse qui quelquefois ne lui déplaisoit pas, quand ce n’étoit pas pour le contredire, ce qu’il faisoit dans ses cabinets de d’Antin qui y étoit toujours, et