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expliqué avec M. le duc d’Orléans ; que c’étoit ces voies qu’il falloit suivre et suivre vivement ; que ceci marquoit deux choses : la première qu’il étoit perdu si le mariage ne se faisoit point ; l’autre que, s’il retardoit, il ne se feroit jamais, partant que c’étoit à lui à prendre ses mesures là-dessus. Je ne leur rendis point les détails que Bignon m’avoit engagé à taire, mais je leur en dis assez pour leur faire bien sentir le tout.

J’étois convenu avec M. [le duc] et Mme la duchesse d’Orléans qu’ils feroient confidence à Mme de Maintenon et à Mme la duchesse de Bourgogne de leur démarche auprès de Mlle Choin, mais sans me nommer, ni le canal de cette démarche. Elles l’avoient goûtée, et le roi, à qui elles l’avoient dit, l’avoit approuvée. Ma raison d’en avoir été d’avis étoit de leur marquer dépendance et confiance entière pour les engager de plus en plus, et, si la démarche ne réussissoit pas, leur faire plus de peur de l’éloignement de Monseigneur, et du concert et du pouvoir sur lui de la cabale qui le dominoit. Je conseillai donc fortement à M. [le duc] et à Mme la duchesse d’Orléans de faire un grand usage de ce refus. Je leur inculquai le plus fortement qu’il me fut possible, que, si dans ce reste de Marly ils ne ve-naient à bout du mariage, jamais il ne se feroit, parce que l’ardeur du roi diminueroit, son embarras sur Monseigneur augmenteroit, les impressions de la lettre qui avoit déterminé le roi s’élaigneroient et s’effaceroient, Monseigneur, par Mme la Duchesse et par les Meudons, où la Choin étoit toujours, se fortifieroit, l’affaire ainsi éloignée s’évanouiroit par insensible transpiration ; que par cela même qu’ils seroient, eux, justement fâchés, touchés, mécontents, [ils deviendroient à charge au roi, qui, embarrassé avec eux de ses ouvertures, et outré qu’ils vissent à découvert qu’il n’osoit parler ni exiger de Monseigneur, s’élaigneroit absolument d’eux, tellement que, mal pour le présent, ils devoient penser ce qu’ils pourroient devenir pour l’avenir,