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CHAPITRE II.


Troisième conversation avec M. le duc d’Orléans, le maréchal de Besons en tiers. — Duc d’Orléans fait demander à Mme de Maintenon à la voir. — Propos tête à tête entre Besons et moi. — Singularité surprenante qui m’engage à un serment, puis à une étrange confidence. — Rupture de M. le duc d’Orléans avec Mme d’Argenton. — Colloques entre Besons et moi. — Dons de M. le duc d’Orléans à Mme d’Argenton en la quittant. — Surprise et propos de la duchesse de Villeroy avec moi.


Dans cet intervalle, je fis réflexion que, dans ma conversation tête à tête de la veille, il m’avoit paru que M. le duc d’Orléans s’étoit trop appuyé sur sa proximité du roi et des fils de France ; il m’avoit avoué que, lorsque le roi lui avoit parlé de l’affaire d’Espagne pour y mettre fin, et se donnant pour croire tout ce qu’il lui voulut dire, il l’avoit fait en peu de paroles avec poids et gravité, et lui avoit conseillé de parler aussi à Monseigneur, lequel lui avoit répondu mot pour mot comme avoit fait le roi, mais avec bien plus de gravité et de froid encore ; que ce concert d’une si semblable réponse la lui avoit fait juger concertée, et de là soupçonner que cette réponse si pareille et si compassée étoit de gens non persuadés, et sur ce qu’il avoit insisté avec moi, qu’il avoit trouvé Mgr le duc de Bourgogne assez favorable, et Mme la duchesse de Bourgogne entièrement, je lui avois répondu que ce prince avoit été aussi piqué et aussi sévère que le roi et Monseigneur, mais adouci par son épouse, qui, non moins sensible qu’eux, avoit néanmoins cherché à les apaiser par honneur pour son oncle, et par amitié pour Mme la duchesse d’Orléans ; mais qu’il se mécomptoit beaucoup,