Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/279

Cette page n’a pas encore été corrigée

dis-je, pour éviter de troubler le repas, mais il se leva de table aussitôt, et m’emmena dans le jardin.

Là je lui rendis compte du peu de succès de la négociation, et par ce récit, quoique ménagé, je l’affligeai beaucoup. Il revint à table parler bas à Mme la duchesse d’Orléans ; le reste du repas fut triste et abrégé. En sortant de table elle m’emmena dans un cabinet, où je fus assez longtemps seul avec elle, et où sur la fin M. le duc d’Orléans nous vint trouver. Je leur dis que cette impatience de savoir, et cette tristesse après avoir su, convenoit mal avec la compagnie et avec le domestique, et deviendroit nouvelle, et matière de curiosité ; qu’il falloit se promener et après cela raisonner. M. le duc d’Orléans, toujours extrême, dit qu’il ne s’en soucioit point ; et sur la chose même nous tint des propos d’aller planter ses choux dans ses maisons, qui ne revenoient à rien et qui lui étoient ordinaires quand il étoit mécontent. Mme la duchesse d’Orléans fut de mon avis. Enfin à grand’peine nous visitâmes la ménagerie qu’ils me montrèrent, d’où nous allâmes nous promener en calèche dans les jardins de Saint-Cloud. Sur le soir, ayant mis pied à terre dans ceux de l’orangerie, ils s’y promenèrent tous deux quelque temps seuls avec moi à l’écart. Je leur dis que pour tout ceci il ne falloit pas perdre courage ; que dès l’entrée de l’affaire nous avions compris qu’elle ne s’emporteroit que d’assaut ; que dans la suite cette pensée de Mlle Choin m’étoit venue comme une chose bonne à tenter, mais fort peu sûre à s’y appuyer ; qu’au fond c’étoit une honnêteté qui ne pouvoit être prise qu’en bonne part par cette créature, et par Monseigneur même, quoique rejetée ; que le meilleur étoit que je m’étois tenu parfaitement clos et couvert sur le mariage, dont je n’avois pas laissé sentir le moindre vent ; qu’au fond nous avions toute la force et l’autorité pour nous, puisqu’ils avoient Mme la duchesse de Bourgogne, Mme de Maintenon et le roi même déclarés pour le mariage, lequel s’en étoit nettement