Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/267

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qui paraissoit et revenoit de la conduite si sage, si mesurée si unie de cette-personne, la manière si soumise et si intime avec laquelle elle entretenoit Monseigneur avec le roi, donnoit d’elle une haute opinion, et allumoit M. [le duc] et Mme la duchesse d’Orléans un désir sincère de la voir et de devenir de ses amis ; que je savois combien soigneusement elle évitoit l’éclat et le monde, mais que, ayant bien voulu lier dans les derniers temps avec feu M. le prince de Conti, quoiqu’il en fût à l’extérieur si mal avec le roi, et de plus si bien avec Mme sa belle-soeur, il seroit encore plus convenable que Mlle Choin voulût bien lier avec M. [le duc] et Mme la duchesse d’Orléans, maintenant si unis et si bien avec le roi et avec Mme de Maintenon, avec laquelle elle étoit si bien elle-même. Bignon me répondit, en tâtant, par les mesures infinies d’obscurité et de dégagement, que Mlle Choin gardoit. Je n’étois pas à savoir en combien de choses elle entroit, avec quelle liberté elle tenoit chez elle, en sa petite maison de la rue Saint-Antoine, cour plénière de ce qu’il y avoit de plus important, où n’étoit pas admis qui vouloit, mais par goût et par choix des personnes, et non par crainte d’en trop voir ; mais ce n’étoit pas le cas de disputer et de contredire. J’entrai donc avec docilité dans ce qu’il voulut, pour ne pas choquer un esprit plein et médiocre au plus, duquel seul je pouvois me faire un instrument. Par cette méthode, je le conduisis peu à peu à l’aveu de diverses choses, et singulièrement à la part entière que cette fille avoit eue en tout ce que Monseigneur avoit fait auprès du roi contre Chamillart, sans quoi, me dit-il, ce ministre n’eût jamais été chassé de sa place. De ce que Bignon me dit qu’elle s’étoit conduite de la sorte de concert avec Mme de Maintenon, j’en pris thèse pour lui représenter que Mme de Maintenon aimoit tendrement Mme la duchesse d’Orléans, et protégeant sincèrement M. le duc d’Orléans à cette heure, rien ne seroit plus convenable à Mlle Choin que de se prêter aux désirs d’amitié dont Mme de Maintenon lui donnoit