Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/264

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d’un futur que l’âge et la santé du roi montroient fort éloigné ; point d’enfants à établir ; au-dessous d’elle dépenser aux besoins de l’avenir. Elle fut sourde aux cris de d’Antin et si froide aux avances réitérées de Monseigneur, [elle mit] tant de langueur et de négligence à le recevoir chez elle, qu’il s’en aperçut bientôt avec un dépit qu’il n’oublia jamais, et se livra à Mme la Duchesse, qui le reçut avec les grâces, les jeux et les ris, et qui ne songea qu’à profiter d’une si bonne fortune par se lier Monseigneur de façon qu’elle se rendît en tout maîtresse de son temps et de son esprit, et y réussit de la manière la plus complète. Ainsi Mme la duchesse d’Orléans fit à sa sœur, avec qui alors elle n’étoit point encore mal, un présent volontaire de l’intimité parfaite qui se lia entre Monseigneur et elle, ouvrit la porte à son triomphe et à tout ce qui en sortit après contre elle, en se la fermant à elle-même, et croupit longues années sur son canapé, non-seulement sans regret d’une faute si démesurée, mais avec un orgueilleux et dédaigneux gré de l’avoir commise. Il ne tint encore après qu’à elle de se rapprocher de Monseigneur, chez Mme la Duchesse, où, à son refus, d’Antin l’avoit tout à fait jeté ; mais les mêmes misérables raisons qui l’avoient empêchée de le vouloir chez elle, quelque dépit aussi de voir sa sœur en profiter, l’en détournèrent encore. L’éloignement, puis l’inimitié des deux sœurs vint ensuite, et se combla enfin par les occasions qui naquirent et dont j’ai touché quelques-unes, et où Monseigneur, tout à sa façon pesante et indolente, ne fut pas tout à fait neutre. Ainsi, Mme la duchesse d’Orléans se vit réduite à continuer, par raison et par nécessité, ce qu’[un sentiment qu’]on ne peut s’empêcher de nommer folie lui avoit fait commencer. Dans cette situation de M. [le duc] et de Mme la duchesse d’Orléans, chacune à part et ensemble, si fâcheuse avec Monseigneur, je ne cessai de pourpenser, à part moi, quels pourroient être les moyens d’émousser dans ce prince tant de pointes hérissées, et de le rendre capable de se ployer volontairement au