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devoit en avoir davantage. On a vu combien personnellement il étoit éloigné de vouloir du bien à M. le duc d’Orléans, et à quel point il étoit livré à ceux dont le double intérêt étoit d’entretenir et d’augmenter cette aversion, et quel étoit ce double intérêt. Maintenant il faut dire que Mme la duchesse d’Orléans n’étoit guère mieux avec lui de son propre chef, avec cette différence de M. son mari que c’étoit par sa pure faute, et par ces sortes de fautes qui se font le plus sentir : c’est ce qu’il faut expliquer. Monseigneur, très-refroidi avec Mme la princesse de Conti, dont l’ennui et l’aigreur le mettoit en continuel malaise, ne savoit que devenir, parce que ces princes-là, et lui plus que pas un, n’ont pire lieu à se tenir que chez eux. D’Antin, je parle de loin, qui avoit peut-être meilleure opinion de Mme la duchesse d’Orléans que de Mme la Duchesse, voulut le tourner vers la première ; et, dans l’espérance de recueillir de sa connoissance les fruits d’une liaison si avantageuse pour elle, il n’oublia rien pour la former.

Monseigneur ne pouvoit guère se délivrer, du réduit continuel qu’il s’étoit fait chez Mme la princesse de Conti depuis tant d’années, dont l’affaire de Mlle Choin venoit de bannir toute la confiance et la douceur, qu’en se faisant un autre réduit chez une des deux autres bâtardes, et il ne lui importoit pour lors chez laquelle des deux, moins conduit en tout par son choix que par le hasard ou par l’impulsion d’autrui. Mme la duchesse d’Orléans, qui auroit dû être charmée d’une si heureuse conjoncture, ivre de sa grandeur et de sa paresse de corps et d’esprit, ne vit que de l’ennui, des complaisances, des amusements à donner, des mouvements de corps à essuyer pour des parties de chasse, d’Opéra et de petits voyages. Elle devenoit non plus la divinité qu’on alloit adorer, mais la prêtresse d’une divinité supérieure dont sa maison deviendroit le temple. Son orgueil ne put s’y ployer, peut-être moins que sa paresse. Son dédain ferma son esprit à toute politique, et à toute vue