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bonne foi d’y faire tout son possible, encore que ce fût contre son goût et contre son sentiment.

Après une audience si favorable et si longue, car elle dura jusques après midi et demi, Mme de Saint-Simon sortit du cabinet, et trouva la toilette dans la chambre, et des dames qui attendoient à y faire leur cour, dont elle fut bien fâchée, surtout des dames du palais de nos amies intimes qui s’y trouvèrent ; mais nous tînmes bon au secret, qui par sa nature n’étoit pas le nôtre. Mme de Saint-Simon me fit le récit de son audience, de laquelle nous fûmes bien contents, persuadés tous deux que Mme la duchesse de Bourgogne arrêteroit Mme la duchesse d’Orléans ; que le choix ne se feroit pas sans la première ; que sûre comme elle étoit, et ayant donné sa parole, elle la voudroit et la pourroit tenir ; tellement que dans une pleine et juste espérance d’avoir de toutes parts écarté le danger, et les princes n’ayant pas accoutumé de prendre les gens par force pour des places après lesquelles tant d’autres ne sont pas honteux de soupirer, même en public, nous comptâmes en être en repos. Nous n’avions en effet oublié aucune des voies possibles de détourner cette place de nous, aucun des meilleurs, des plus forts, des plus directs moyens à pouvoir employer d’avance, mais à temps ; ainsi rendu au calme et à la liberté d’esprit, je me rendis aussi aux soins de ne pas laisser refroidir ce qui avoit été si bien reçu sur le mariage, ni les mouvements, tous si justes et si bien ensemble de notre part, pour le brusquer, tandis que Mme la Duchesse et les siens, si sûrs de Monseigneur et si peu avertis de nos menées, vivoient dans une parfaite sécurité.

Dès la fin du voyage de Marly l’embarras du roi sur Monseigneur, grand et de bonne foi, nous avoit fort embarrassés nous-mêmes. Il s’agissoit d’un mariage pour le fils de Monseigneur, d’un mariage domestique et particulier, où le bien de la paix, ni l’honneur ou l’avantage de l’État n’avoient aucune part, conséquemment où un père de cinquante ans