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je pas aussi positivement que je fais, si je n’étois non-seulement très-persuadé, mais si j’avois aucun soupçon qu’il s’en pût prendre d’elle, puisque vous en dire du mal, quelque vrai qu’il fût, seroit une noirceur affreuse, et que, s’efforcer de vous persuader en sa faveur un mensonge, et par des faits décisifs et positifs qui seroient contre la vérité, contre ma conscience, seroit une autre sorte de trahison. Si je voyois donc que vous eussiez malheureusement raison, content de n’en pas convenir, je me tirerois d’embarras comme je pourrois par des verbiages généraux qui ne manquent jamais, mais je me garderois bien d’avancer des choses et des preuves positives qui répugneroient également à la vérité, à l’honneur, et à la conscience, qui chez moi vont et doivent aller avant tout. »

Cette assertion si nette, si ferme, et en même temps si sincère, força son dernier retranchement ; il ne put même dissimuler sa joie de pouvoir sûrement compter qu’il avoit été méchamment trompé. Il s’en dilata davantage sur cet étrange chapitre, et, battu sur le fond des choses, il nous présenta beau pour l’être encore plus sur les indignes et scélérats auteurs. Il nous nomma Mme la Duchesse, Mme d’Argenton et quelques autres femmes perdues, la plupart intimes de sa maîtresse, auxquelles nous lui fîmes honte d’avoir ajouté foi, pour le peu qu’en méritoit leur réputation, sur des personnes même indifférentes, combien moins encore avec l’intérêt si sensible qu’elles avoient à mettre entre Mme sa femme et lui les derniers éloignements. Besons parla ensuite dignement et assez longtemps en ce même sens. J’ajoutai après qu’il devoit à jamais bénir cette journée, où le hasard lui avoit fourni des réponses et des preuves sans réplique, et où sa raison forcée se voyoit contrainte de s’avouer ses fautes, et de s’en repentir salutairement. Devenu de là plus hardi par avoir ôté la cause la plus empoisonnée de l’éloignement, je repris les louanges de Mme sa femme, sur lesquelles je me rendis éloquent. Je lui