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rebrousser, il fallut pousser jusque dans le cabinet. Restoit s’il oseroit enfin y donner sa lettre.

J’entrai lentement pour ne pas traverser la chambre avec lui, et je gagnai la croisée la plus proche du cabinet, dans la profondeur de laquelle on me fit place sur un ployant, où je m’assis auprès du maréchal de Boufflers, avec M. de Bouillon, M. de La Rochefoucauld, le duc de Tresmes et le premier écuyer, en attendant que le roi sortît pour prendre d’autres habits et aller dans ses jardins. Je n’avois pas été trois ou quatre Pater assis que je vis avec surprise sortir M. le duc d’Orléans, qui brossa la chambre et disparut. Je ne fis que me lever et me rasseoir avec les autres, bien en peine de ce qui s’étoit pu passer dans des instants si-courts. Le roi fut assez longtemps sans sortir. Enfin il vint, changea d’habit, et alla à la promenade, où je le suivis. Tant à son habiller qu’à sa promenade j’observai soigneusement son maintien. Jamais homme n’en fut plus le maître ; mais comme il étoit impossible qu’il se pût douter que qui que ce fût de ce qui l’environnoit sût que M. le duc d’Orléans devoit lui avoir donné une lettre, je voulus voir s’il seroit gai, ou sérieux et concentré. Je ne le trouvai rien de tout cela, mais entièrement à son ordinaire, de sorte que je demeurai fort en peine de ce que la lettre étoit devenue. Après quelques tours, le roi s’arrêta au bassin des carpes, du côté de Mme la Duchesse. M. le duc d’Orléans l’y vint joindre sans se trop approcher de lui. Un peu après, le roi tourna pour se promener ailleurs. Je me tins en arrière, M. le duc d’Orléans aussi, dans l’impatience réciproque de nous parler. Il me dit qu’il avoit donné sa lettre, que d’abord le roi surpris lui avoit demandé ce qu’il lui vouloit, qu’il lui avoit dit : rien qui lui pût déplaire, qu’il le verroit par sa lettre, et que ce n’étoit pas chose dont il pût aisément lui parler ; que sur cette réponse, le roi, plus ouvert, lui avoit dit qu’il la liroit avec attention, sur quoi il étoit sorti pour ne pas laisser refroidir la première curiosité ; et qu’en effet, étant