Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/25

Cette page n’a pas encore été corrigée

malheur de sa vie, tombé ensuite en de mauvaises mains qui, par intérêt ou par flatterie, l’avoient non-seulement soutenu dans ce dégoût, mais persuadé que le marquer étoit une partie principale de sa dignité et de sa gloire, plongé ensuite en des déréglements passagers mais continuels, enseveli enfin dans une passion qui occupoit tout son cœur et tout son temps, qu’il étoit, dis-je, non-seulement naturel, mais impossible que tout ayant concouru à former et à fortifier un éloignement si dangereux, il ne fût devenu tel que M. le duc d’Orléans nous le représentoit ; mais que c’étoit au bon esprit, aux sages réflexions, aux considérations générales et particulières à détruire l’ouvrage pernicieux des passions, des mauvais conseils, du temps si longuement écoulé dans l’habitude de ces sentiments pour en prendre d’autres tout contraires, et dans lesquels seuls il trouveroit son repos et sa véritable gloire, avec la grandeur solide de sa famille particulière.

Besons appuya intiniment ces propos, loua Mme la duchesse d’Orléans, et me donna lieu de la louer aussi ; mais ces louanges, bien loin de produire un bon effet, irritèrent M. le duc d’Orléans, et le replongèrent dans son premier silence d’agitation et d’embarras. Enfin il débonda (et voici où la confidence et la confiance fut pleine, entière, nette, ne cachant ni choses ni noms) et nous dit ce que nous eussions voulu ne point entendre, mais ce qu’il fut pourtant très-heureux qu’il nous dît. Le maréchal se jeta sur des généralités très-vraies, mais j’eus le bonheur de trouver par des hasards à moi très-particuliers, mais tout à fait naturels et justes, des raisons tellement pertinentes, et des preuves si nettes et si exactes que M. le duc d’Orléans céda à leur force, ne put s’empêcher de demeurer convaincu, et ne put me rien opposer par diverses répliques, sinon que je ne lui dirois pas du mal de sa femme quand j’en saurois. « Non, monsieur, lui répondis-je, le regardant avec feu, très-assurément, je ne vous en dirois pas ; mais aussi ne vous parlerois-