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lettre s’entend, non du vrai auteur, et toutes deux l’approuvèrent, mais pressèrent de la remettre. La même confidence fut aussi faite au P. Tellier par le P. du Trévoux, afin qu’elle fût plus obligeante par cette voie que par la mienne, comme venant plus purement de M. [le duc] et de Mme la duchesse d’Orléans. Le confesseur promit d’agir en conséquence. Lui et moi en conférâmes, et il tint bien sa parole. Je la fis aussi à M. de Beauvilliers pour Mgr le duc de Bourgogne. Elle n’alla pas au delà, pour en mieux conserver le secret dans le pur nécessaire au succès. Pour rendre cette lettre, il falloit trouver une jointure où le roi et Mme de Maintenon, toute bien intentionnée qu’elle étoit, fussent de bonne humeur ; où elle passât la journée à Marly, car elle alloit presque tous les jours à Saint-Cyr, et ces jours-là le roi ne la voyoit que le soir ; où le P. Tellier fût à Marly, qu’il n’y venoit que le mercredi ou souvent le jeudi jusqu’au samedi ; enfin éviter que d’Antin vît donner la lettre, qui étoit toujours dans les cabinets, et qui, sur une démarche aussi peu ordinaire, ne manqueroit pas d’alarme et de soupçons, et de les donner à l’instant à Monseigneur et à Mme la Duchesse, qu’il s’agissoit sur toutes choses de maintenir dans la tranquille sécurité qu’ils avoient prise. Tant de choses à ajuster à la fois étoient affaire bien difficile. Toutefois le hasard les présenta toutes le vendredi et le samedi suivant, sans que l’extrême timidité de M. le duc d’Orléans à l’égard du roi eût osé en profiter, quoique sa lettre toujours en poche.

Cependant Mme la duchesse de Bourgogne pressoit sans cesse Mme la duchesse d’Orléans, tant de sa part que de celle de Mme de Maintenon. Huit jours après, le vendredi matin, je sus par Maréchal que le roi se portoit bien, et avoit été gaillard avec eux à son premier petit lever ; que Mme de Maintenon ne sortoit point de chez elle de tout le jour ; car elle avoit un autre petit appartement avec une tribune sur la chapelle qu’on appeloit le Repos, sanctuaire