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qu’il en avoit de moi, et sa lettre étoit toute cachetée. Ils me dirent qu’ils avoient un peu abrégé la préface, omis la communion du roi, et adouci cette phrase, trop grand, trop absolu, trop maître, et que du reste elle avoit été copiée mot pour mot. S’ils y avoient fait d’autres changements, ils me les auroient dits tout de même ; ainsi j’ai inséré ma lettre ici en marquant ces changements. Le préambule abrégé, je l’avois fait tel qu’il étoit pour disposer le roi à n’être pas effarouché ; la communion, grief qui me touchoit à la vérité, mais qui ne blessoit pas moins le rang de M. le duc d’Orléans, je l’avois mise pour faire sentir au roi que ce prince étoit maltraité pour l’amour des autres, et l’exciter d’autant au seul dédommagement qu’il pouvoit lui donner ; je sentis à l’instant la double raison qui l’avoit fait supprimer à Mme la duchesse d’Orléans : l’intérêt de M. son fils que, depuis le règlement fait contre sa prétention pour ses filles, elle ne pouvoit espérer de faire plus que prince du sang ; et celui des bâtards égalés en tout aux princes du sang, qui lui étoit encore bien plus cher que celui de M. son fils, chose monstrueuse, mais qui se trouvera bien au net dans la suite. L’adoucissement de la phrase, je n’en compris pas la raison, d’autant que rien ne flattoit plus le roi que l’opinion et l’étalage de son autorité, et qu’il s’agissoit là de l’en piquer pour l’engager à forcer Monseigneur ; mais la lettre étant copiée et cachetée, et ces changements au fond n’altérant rien d’important à représenter, je ne fis nul semblant de ne les approuver pas. Mme la duchesse d’Orléans fut fort touchée de l’énumération des grâces nouvellement faites à Mme la Duchesse et à M. du Maine, de la mention du poids de ce pouvoir de Mme la Duchesse sur Monseigneur, surtout de la menace mêlée de tendresse ; et elle espéra beaucoup de l’effet de cette lettre.

Il fut après question de la donner au roi, et ce ne fut pas une petite affaire. La confidence en fut faite à Mme la duchesse de Bourgogne, et par elle à Mme de Maintenon, de la