Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/247

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adoucit ainsi tout ce qui a échappé de fort, mais laisse ces idées vives en leur entier, en finissant tout court par des tendresses les plus pressantes de terminer enfin ce mariage.

Dès que la lettre fut achevée, je la lus à M. le duc d’Orléans, qui de bonne foi, ou de paresse, la trouva admirable, sans y vouloir changer rien. Comme je l’avois écrite rapidement et d’une petite écriture, dont je me sers pour écrire vite et me suivre moi-même, je me défiai des mauvais yeux de M. le duc d’Orléans ; ainsi je la lui donnai pour voir s’il la liroit bien. La précaution fut sage. Il ne put en venir à bout, de sorte que je m’en allai chez moi en faire une copie qu’il pût lire, avec promesse de la lui porter le soir même chez Mme la duchesse d’Orléans. Il étoit tard quand je l’eus achevée. Je trouvai Pontchartrain à table, chez qui je devois souper, et que je quittai au sortir de table, pour aller chez Mme la duchesse d’Orléans. Cela fit deux contre-temps qu’il n’y eut pas moyen d’éviter et qui me fâchèrent. Pontchartrain étoit d’une curiosité insupportable, grand fureteur et inquisiteur, sur ses meilleurs amis comme sur les autres ; cette arrivée à table, et cette retraite immédiatement après, le mit en éveil et sa compagnie, quoiqu’ils n’eussent pu rien remarquer en moi pendant le souper, et dans la suite il ne m’épargna pas les questions, qui ne lui acquirent pas la moindre lumière. L’autre fut que je trouvai le roi retiré. Cela fut cause que je ne voulus pas m’arrêter chez Mme la duchesse d’Orléans, où elle et M. le duc d’Orléans m’attendoient avec impatience. Ils voulurent me retenir à lire la lettre, mais je me contentai de leur laisser la copie que j’avois faite pour leur donner, et ne voulus pas être remarqué pour sortir si tard de chez elle. Je n’y gagnai rien. On le sut, on en fut en curiosité, mais elle fut peu satisfaite. Le lendemain ils me remercièrent l’un et l’autre plus en détail. M. le duc d’Orléans avoit copié la lettre et brûlé la copie