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flatteuses du mariage de M. le duc de Berry avec ma fille. Elle me fit l’honneur de me dire qu’il n’y avoit point en Europe de princesse étrangère qui lui convînt, et j’ose ajouter que la France ne lui en peut offrir aucune au préjudice de ma fille. J’ai vécu depuis dans ce raisonnable désir que vous-même m’avez accru. Je vois cependant que le temps s’écoule, et qu’en s’écoulant vous prenez plaisir à combler votre famille de nouveaux biens. Quelles grâces à la fois pour Mme la Duchesse que sa pension, celle de son fils, la charge de grand maître et le gouvernement de Bourgogne ! Quelle faveur à M. du Maine que la survivance de colonel général des Suisses et Grisons, et de grand maître de l’artillerie pour ses enfants, et un rang qui les égale au mien ! Vous m’avez fait son beau-frère, et je suis bien aise de ses avantages ; mais qu’il me soit permis de vous représenter, avec toute sorte de respect, que l’état de ma famille est tel, que, si je mourois, il ne seroit pas en la puissance de votre amitié de lui en donner des marques semblables ; puisque les honneurs que je tiens de vous ne lui passeroient pas, et que, n’ayant ni gouvernement ni charge, elle ne peut être revêtue de rien, par quoi mes enfants seroient bien moindres en effet, quoique si fort aînés des autres, et vos petits-enfants comme eux. Qu’est-il donc au pouvoir de Votre Majesté de faire, pour eux et pour moi, qu’un mariage que je ne puis douter qui ne soit de son goût, par ce qu’elle m’a fait la grâce de m’en dire le premier, qui réunit tous ses enfants, et qui assure une protection aux miens, quelque dénués qu’il soient d’ailleurs, jusqu’à l’accomplissement duquel je suis sans cesse entre la crainte et l’espérance ? Voilà, Sire, mes raisons de père qui me touchent sensiblement ; mais j’en ai d’autres qui me tiennent encore bien plus vivement au cœur, et qui me le serrent, de sorte qu’il n’est pas que vous ne vous intéressassiez à me rendre le repos, si vous étiez informé de tout ce que je souffre.