Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/241

Cette page n’a pas encore été corrigée

de Bourgogne, par la duchesse de Villeroy, de monter chez elle. Je dis que je fis en sorte, parce que, paresse ou timidité, avec un désir extrême, cette princesse ne se remuoit qu’à force de bras. Mme la duchesse de Bourgogne y monta. Le tête-à-tête dura plus d’une heure.

Les fréquents particuliers entre la duchesse de Villeroy, Mme de Lévi, M. et Mme d’O, Mme la duchesse de Bourgogne les uns avec les autres, les miens surtout chez Mme la duchesse d’Orléans, et à toutes heures, quoiqu’ils parussent moins, donnèrent à parler au courtisan curieux et oisif ; ce qui, suivi de cette longue conférence de Mme la duchesse de Bourgogne chez Mme la duchesse d’Orléans, alarma Mme la Duchesse ; dont il résulta que Monseignenr se fronça encore plus qu’à l’ordinaire avec M. le duc d’Orléans, se rengorgea avec Mme la duchesse de Bourgogne, et se montra plus rêveur et plus froid au roi pour en être moins accessible. Toutes ces choses me hâtèrent de plus en plus. Après avoir fort concerté toutes choses, et m’être assuré du succès de diverses tentatives et de Mme de Main-tenon, nous proposâmes Mme la duchesse d’Orléans et moi, à M. le duc d’Orléans, de parler au roi. D’abord il se hérissa, mais battu presque sans cesse un jour et demi de suite, et ne pouvant nous résister, armés comme nous l’étions de l’avis et du concert de Mme la duchesse de Bourgogne, de Mme de Maintenon, de M. de Beauvilliers, du maréchal de Boufflers et du P. Tellier, il nous dit franchement qu’il ne savoit comment s’y prendre, que le mariage en soi étoit ridicule à proposer dans un temps de guerre et de misère, et le mariage de sa fille plus fou et plus insensé que nul autre. Mme la duchesse d’Orléans se trouva étrangement étourdie de cet aveu si nettement négatif ; pour moi, il ne me mit qu’en colère.

Je répondis qu’il se faisoit tous les jours tant de sottises gratuites qu’il en pouvoit bien espérer une en sa faveur, et n’être retenu de la demander, puisqu’elle lui étoit si importante.