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suivit de si près le commencement de ce voyage, élargit Mme la Duchesse pour les suites. Elle voulut avoir à Marly Mlles de Bourbon et de Charolois, les deux de ses six filles qui étoient élevées auprès d’elle, et qui avoient eu pour elles deux un méchant petit logement, tout en haut, à Versailles, lorsque Cavoye le quitta pour celui de M. de Duras. Mme la Duchesse allégua l’épargne, l’état de ses affaires et la dépense d’avoir une table et un détachement de sa maison pour ses filles à Versailles, pendant les Marlys. Le roi y consentit. Elle avoit d’autres raisons : elle vouloit en amuser Monseigneur ; suppléer par elles à ce dont son état de veuve l’empêchoit ; accoutumer le roi à leur visage, avec qui il étoit difficile qu’elles ne soupassent pas souvent ; détourner Monseigneur, qui ne pouvoit jouer chez elle dans ces premiers temps et qui s’ennuyoit chez Mme la princesse de Conti, de s’adonner chez Mme la duchesse de Bourgogne, et par ses filles, bourdonnant dans le salon autour de lui, des particuliers momentanés qu’il pouvoit avoir avec Mme la duchesse de Bourgogne, souvent si utiles à faute d’autres que ces gens-là ne savent pas se donner dans leur famille ; enfin les tenir avec lui à jouer chez Mme la princesse de Conti, sa dupe éternelle, qui espéroit se rapprocher de Monseigneur en la servant à son gré, et qui, pour les yeux, étoit une autre elle-même dans le salon, où avec sa cabale, Mme la Duchesse n’ignoroit rien de ce qui s’y passoit de plus futile.

Dès que cela fut accordé, le roi, qui vouloit toujours tenir égale la balance entre ses filles, proposa à Mme la duchesse d’Orléans que Mademoiselle fût de tous les Marlys. Elle étoit à Versailles, son rang étoit réglé avec les princesses du sang ; ainsi nulle difficulté. Cette proposition fut la matière d’une délibération entre M. et Mme la duchesse d’Orléans et moi. Après avoir bien discuté le pour et le contre, nous nous trouvâmes tous trois du même avis de laisser Mademoiselle à Versailles, et de ne s’embarrasser point de voir Mlle de