Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/237

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et impatientée, elle lui montra du penchant pour un mariage étranger ; et plût à Dieu qu’il eût pu se faire ! c’eût bien été aussi le mien, comme je l’ai dit plus haut, mais j’y ai rapporté en même temps les raisons qui le rendoient impossible, et il l’étoit devenu de plus en plus alors, tant par les menées de Mme la Duchesse que par les mesures en faveur de Mademoiselle ; ainsi je ne répéterai rien là-dessus. Arrivant à Marly, j’y trouvai tout en trouble, le roi chagrin à ne le pouvoir cacher, lui toujours si maître de soi et de son visage, la cour dans l’opinion de quelque nouveau malheur qu’on ne se pouvoit résoudre à déclarer. Quatre ou cinq jours s’y passèrent de la sorte ; à la fin on sut et on vit de quoi il s’agissoit. Le roi, informé que Paris et tout le public murmuroit fort des dépenses de Marly, dans des temps où on ne pouvoit fournir aux plus indispensables d’une guerre forcée et malheureuse, s’en piqua cette fois-là plus que tant d’autres qu’il avoit reçu les mêmes avis, sans raison plus particulière, ou qu’au moins elle soit venue jusqu’à moi. Mais le dépit fut si grand que Mme de Maintenon eut toutes les peines du monde de l’empêcher, et par deux fois, de retourner tout court à Versailles, quoique ce voyage eût été annoncé pour dix-huit jours au moins. La fin fut que, au bout de ces quatre ou cinq jours, le roi déclara, avec un air de joie amère, qu’il ne nourriroit plus les dames à Marly ; qu’il y dîneroit désormais seul à son petit couvert comme à Versailles ; qu’il souperoit tous les jours à une table de seize couverts avec sa famille, et que le surplus des places seroit rempli par des dames qui seroient averties dès le matin ; que les princesses de sa famille auroient chacune une table pour les dames qu’elles amenoient, et que Mmes Voysin et Desmarest en tiendroient chacune une, pour que toutes les dames qui ne voudroient pas manger dans leur chambre eussent à choisir où aller. Il ajouta avec aigreur qu’il ne travailleroit plus à Marly qu’en amusements de bagatelles, et que de cette façon, n’y dépensant pas plus qu’à