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Mme la Duchesse lui feroit vouloir, que, de maître absolu et paisible qu’il avoit toujours été dans sa famille, il s’y verroit à son âge réduit en tutelle par des entraves qui, une fois usurpées, iraient toujours en augmentant. Je crus également nécessaire d’effrayer Mme de Maintenon, haïe comme elle l’étoit de Mme la Duchesse, et originellement de Monseigneur, laquelle à la longue seroit rapprochée du roi par lui, par leur fille, par les menées et les artifices de d’Antin ; que son crédit s’affaibliroit par là auprès du roi, et sans cela encore par les brassières où le roi se trouveroit lui-même. J’en fis faire toute la peur à Mme la duchesse de Bourgogne, et pour elle-même encore, par la duchesse de Villeroy et par Mme de Lévi ; à Mgr le duc de Bourgogne, par M. de Beauvilliers ; à Mme de Maintenon par le maréchal de Boufflers ; au roi même, par le P. Tellier ; et toutes ces batteries réussirent.

Les choses en cet état, j’estimai qu’il les falloit laisser reposer et mâcher, ne les point gâter par un empressement à contre-temps, surtout ne pas exciter Mme la Duchesse par des mouvements, auxquels ce mot échappé et si fort relevé par Monseigneur la rendroit attentive, et la laisser assoupir dans la confiance en ses forces et le mépris de celles qui lui étoient opposées. Toutes ces mesures gagnèrent la semaine sainte. Je pris ce temps ordinaire d’aller à la Ferté, d’où je revins droit à Marly, le premier où le roi alla après l’audience qu’il m’avoit accordée, comme je l’ai dit en son temps. Je le répète ici pour rendre les époques de toute cette grande intrigue plus certaines. J’appris en y arrivant une petite alarme qui ne m’effraya pas, mais dont je me servis pour faire renouveler, et de plus en plus inculquer à Mme la duchesse de Bourgogne tout ce qui étoit vrai à son égard et [à celui] de Mgr le duc de Bourgogne, dont je m’étois servi d’abord pour l’intéresser puissamment en Mademoiselle, et qui a été expliqué déjà. J’appris donc qu’un soir, pressée peut-être plus que de raison sur Mademoiselle par Mme d’O,