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paraphrasai de tout ce que j’y pus ajouter, surtout de ce qui pouvoit entrer dans l’intérêt des jésuites, leur donner envie pour l’amour d’eux-mêmes du mariage de Mademoiselle, et toute la frayeur que je pus de celui de Mlle de Bourbon. Comme je parlois à un homme qui étoit pour moi de toute confiance, je le fis nettement et sans mesure ; et comme je disois effectivement la vérité, je ne craignis pas de la présenter toute nue et dans toute son âpreté. Cela passa de même façon au P. Tellier ; et quoique je fusse fort à portée de lui, ces choses lui firent une tout autre impression de la bouche d’un jésuite bien endoctriné et bien affectionné à moi que de la mienne. Toutefois nous ne laissâmes pas de nous en parler souvent lui et moi avec ce tour.

Les jésuites, à qui rien n’est indifférent, et moins les choses majeures que les autres, c’est-à-dire le P. Tellier, et ce conseil si étroit, si inconnu même des autres jésuites, par qui tout le grand et l’important se régit parmi eux, s’affectionnèrent à celle-ci comme à la leur propre, et se rendirent d’eux-mêmes capables de tout concerter avec nous, et d’entrer en part des conseils et des exécutions. Ils devinrent donc un très-puissant instrument, avec cela d’heureux qu’il étoit de soi très-concordant avec les ducs de Chevreuse et de Beauvilliers, par le plus secret et le plus sensible recoin de la cabale. On se souviendra ici que, lors de l’orage du quiétisme, la politique société se divisa. Le gros, avec le P. La Chaise, le P. Bourdaloue, le P. La Rue, en un mot les jésuites de cour et du grand monde, furent contre M. de Cambrai, mais sans agir. Un petit nombre, et ce qui se peut appeler leur sanhédrin secret, fut pour ce prélat, et le servit sous main de toutes ses forces. Ainsi les puissances de Rome et de France ne furent point choquées, et les bons pères ne laissèrent pas d’aller à leur fait. Ceux-là demeurèrent intimement unis à M. de Cambrai, et par ceux-là en effet la société entière. Dans cette intimité de parti le P. Tellier avoit toujours tenu les premiers rangs, et la liaison étoit