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la mort de M. le Prince, ne regardoit plus cette sœur que comme une ennemie.

Cette raison fut un grand instrument dans la main de Mme la duchesse d’Orléans et de M. d’O pour exciter la peur de M. du Maine, qui de toutes les passions étoit celle qui de tous les genres avoit le plus d’empire sur lui. Ils lui montrèrent les enfers ouverts sous ses pieds par le mariage de Mlle de Bourbon, toutes ses prétentions à la succession de M. le Prince sans ressources, son rang à l’avenir fort en l’air, ses survivances très-hasardées, et le rang de ses enfants perdu, toutes choses à quoi la haine de Mme la Duchesse n’auroit pas grand’peine à réussir dès à présent pour le procès, avec la part que M. le duc de Berry et Monseigneur même ne se cacheroient plus d’y prendre, et dans l’avenir pour le reste, avec la répugnance que Monseigneur y avoit montrée, et qui n’avoit pu être fléchie par les prières du roi les plus touchantes, et pour lui les plus nouvelles, de sorte que ne s’agissant que d’agir auprès du roi dans les ténèbres des tête-à-tête dont il avoit plusieurs occasions tous les jours, et de même avec Mme de Maintenon sur qui il pouvoit tout, et qu’il voyoit seule tant qu’il vouloit, son propre salut le mit d’autant plus puissamment en œuvre qu’il conçut dès lors le dessein de s’en faire payer comptant par le mariage qu’il ne tarda pas à proposer, et à presser de régler, de signer et de déclarer, d’une sœur de Mademoiselle avec son fils qui deviendroit ainsi beau-frère de M. le duc de Berry, qui fut une chose qui me coûta bien du manége à éviter. Telle fut la cabale des femmes, si principales dans les cours, si continuellement dans la nôtre. Je crus que c’en étoit assez pour bien remplir mes vues de ce côté-là, et que le secret, si fort l’âme et le salut de cette affaire, ne souffroit pas qu’on y en mît davantage. Je n’eus sur cela aucun commerce avec les d’O ni avec M. du Maine ; mais je lui faisois dire tout ce que je voulois par Mme la duchesse d’Orléans, et savois par elle toutes ses démarches, mais sans jamais