Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/223

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nous en vouloir avouer la cause véritable, et que pour nous mieux cacher il agissoit faiblement, pressé à un certain point, plutôt que de nous déclarer une fois pour toutes sa vraie raison de désespérer et de nous arrêter tout à fait pour s’en épargner les regrets plus à découvert. C’est ce qui me fut d’un travail dur et extrême, parce qu’il ne fallut jamais cesser de forcer de bras auprès de lui, ni de se rebuter des contre-temps continuels de sa part, qui pensèrent plusieurs fois faire tout échouer.

Moins je vis de ressource à espérer de celui qui y avoit le plus grand intérêt, plus je m’appliquai à en trouver d’ailleurs et à former et diriger une puissante cabale, et de plusieurs différentes à en faire une seule qui se proposât puissamment le but où je tendois, puissamment, dis-je, pour son intérêt propre, premier mobile ou plutôt unique de tous les mouvements des cours. Mme la duchesse de Bourgogne, unie avec Mme la duchesse d’Orléans, infiniment mal avec Mme la Duchesse, avoit plus d’un intérêt à la préférence de Mademoiselle sur Mlle de Bourbon ; le premier sautoit aux yeux de qui savoit la situation de Mme la duchesse de Bourgogne avec Mme la Duchesse, et celle de Mme la Duchesse auprès de Monseigneur, des volontés duquel elle disposoit absolument, et qui, reliée à lui par le mariage de leurs enfants, usurperoit une puissance sous laquelle tout plieroit sous son règne et dès celui-ci même ; Mme la duchesse de Bourgogne tomberoit peu à peu dans un éloignement de Monseigneur qui, approfondi par la dévotion mal entendue de Mgr le duc de Bourgogne et par le dégoût que Monseigneur avoit pris de lui depuis les choses de Flandre, soigneusement entretenu depuis, les plonge-roit tous deux dans l’abîme que la cabale dont il a été parlé avoit si hardiment commencé à leur creuser. À ce grand intérêt il s’en joignoit un autre aussi fort sensible et qui avoit sa solidité.

Mme la duchesse de Bourgogne connoissoit le roi parfaitement,