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souffriroit peut-être impatiemment, sinon à présent au moins dans la suite, d’être si transparent à mes yeux, et plus encore désapprouvé dans des choses qu’il ne changeroit pas, et dont le changement étoit difficilement espérable.

Cette sage résolution prise, je subis l’examen du duc de Chevreuse à qui j’avois envoyé une copie, afin qu’il eût tout le temps d’y penser. Il approuva extrêmement l’ouvrage, mais il fut heureusement d’avis de ne le point donner, par quoi je sortis d’embarras ; mais il me condamna à leur laisser ma copie avec sûreté entière qu’elle ne sortiroit point de leurs mains, et à consentir que, sans faire mention de moi ni du discours même, ils pussent de fois à autre et de loin en loin en lâcher des morceaux détachés au prince, ce qui pouvoit se faire sans danger. M. de Beauvilliers s’y soumit et moi pareillement, après que Cheverny et Mme de Saint-Simon eurent jugé aussi que, de cette façon, il n’y avoit point d’inconvénient. Les deux ducs ignorèrent toujours que Mme de Saint-Simon et moi eussions mis Cheverny dans cette confidence : tel est le malheur des meilleurs princes et les plus attentifs à leur salut, à leur mortification, à leur anéantissement, d’être plus capables de porter les opprobres jusqu’à la dernière indécence et au danger, que les avertissements les plus salutaires et les plus mesurés de leurs plus affidés serviteurs.

Maintenant il est temps d’expliquer une puissante intrigue qui partagea toute la cour. Il faut retourner beaucoup en arrière, parce qu’elle fut commencée longtemps avant tout ceci, et la suivre jusqu’à sa fin pour ne la pas interrompre par des mélanges de ce qui se passa cependant aux armées, dont les divers succès ne veulent pas être suspendus.

J’ai touché légèrement, à l’occasion de la rupture de M. le duc d’Orléans avec Mme d’Argenton, et du règlement du rang des princesses du sang entre elles, quelque chose du désir de M. le duc et de Mme la duchesse d’Orléans de marier Mademoiselle à M. le duc de Berry, du peu qu’il