Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/212

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qui fit si étrangement du marteau l’enclume et de l’enclume, le marteau, dont il ne put revenir ensuite.

C’est en peu de mots ce qui forme toute la matière de mon Discours, par lequel, après les louanges méritées et ailleurs encore entrelacées pour faire passer ce qui les suit, je tâche de faire voir quel est l’usage que Mgr le duc de Bourgogne doit tirer de son cabinet, l’abus qu’il en fait et dont il ne sort rien de ce qu’il y fait peut-être de plus convenable à son état pour son instruction particulière. Après avoir essayé à faire voir ce qu’il y doit faire en beaucoup moins de temps qu’il n’y en donne, je viens à combattre sa timidité, et si cette expression se peut hasarder, ce pied gauche où il est avec le roi et Monseigneur, avec le monde, par tout ce qu’il m’est possible, et encore avec Mme de Maintenon et Mlle Choin, choses toutes si principales ; enfin à combattre son éternel particulier avec Mme la duchesse de Bourgogne seule, que je loue d’ailleurs avec sincérité, et avec ce fatras de femmes qui abusent avec indécence de sa bonté, de ses distractions, de sa dévotion et de ses gaietés peu décentes qui sentent si fort le séminaire. Après avoir parlé des indécences des autres à son égard, je viens aux siennes, et c’est où la plume me tourne dans les doigts, frappé des énormes abus qui se sont faits en Flandre, et de là partout de ces sortes de fautes dont la continuité y ajoute un fâcheux poids. Je m’y arrête néanmoins tout aussi peu qu’il est possible, et je viens à l’objet principal de mon Discours qui est la connoissance des hommes ; je m’y étends avec une liberté égale à la nécessité, et j’entre dans un détail de moyens par le besoin d’y conduire comme par la main le prince, et de lui ôter occasion et prétexte de ne savoir comment s’y prendre. En même temps je sens très-bien que ce que je propose avec tant de force et d’étendue est entièrement contraire à l’usage du roi, auprès duquel les anciens ministres, et les nouveaux après eux, n’ont rien craint davantage ni détruit avec plus de soin, d’application