Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/203

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même, suivant ce que son opinion ou l’expérience lui enseigne être le plus profitable, et que de ce prince de tout bien ou de tout mal, qui est le respect de l’opinion d’un prince, ne coulent pour lui tous les déportements de tous ceux qui, en tout genre, composent l’État qui le regarde. Ces vérités si grandes et si solides, que la raison et l’expérience de tous les siècles rendent telles, n’ont besoin que d’un peu de méditation pour en faire sentir tout le poids et toute l’étendue, sans avoir recours à une plus grande explication, et ne demandent qu’un peu d’application à Mgr le duc de Bourgogne, laquelle me force à un court examen qui m’a souvent coûté bien des réflexions amères. Pour y entrer utilement tout d’un coup, il seroit infiniment à désirer que ce prince qui n’a point changé, et qui si constamment est digne que l’on ne change point pour lui, fît quelque comparaison de lui-même pendant ses deux premières campagnes et tout le temps qui les a suivies, jusqu’à son départ pour la dernière, avec lui-même pendant cette dernière campagne et depuis. Jamais le fameux prince de Galles, dont toute l’Europe plaint encore aujourd’hui avec les mêmes élans que l’Angleterre le sort trop promptement tranché, ne fit plus véritablement les délices des siens, le plus doux espoir de son pays, l’admiration la plus attentive de tous les grands hommes de son temps, et de toutes les terres étrangères, que Mgr le duc de Bourgogne dans ces premiers temps. Tout ce qui respire encore en est témoin, et ses modestes yeux n’ont pu refuser de s’en apercevoir eux-mêmes. Qu’est-il donc arrivé depuis qui ait pu affaiblir tant de lustre, et qui ait rendu cet éclat moins vif dans tous les lieux, même les plus reculés, où il avoit pénétré ? une pratique de piété la plus simple qui soit conseillée par la vérité même, mais si contraire à l’état de Mgr le duc de Bourgogne, que je crois pouvoir avancer, sans témérité, que de cette pratique de vertu, le comble de toutes les autres pour le commun des hommes, il ne doit pas être sans crainte d’en compter un jour devant Dieu.