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dévotion, qui est de tous les états, doit être différemment pratiquée par tous les états, et qu’elle devient d’autant plus parfaite qu’elle se trouve plus proportionnément mesurée, non en elle-même, mais en sa pratique et en ses effets, à l’état auquel on est appelé. Qu’un religieux ne doive faire un autre usage de sa piété qu’un autre religieux d’un autre ordre, ou qu’un autre du sien même, cela est constant, puisque les divers instituts sont diversement appliqués à l’action et à la contemplation, à la solitude et à l’instruction des autres, et les divers particuliers qui en sont à gouverner les autres en divers degrés d’emplois et à être gouvernés. D’où il résulte que si tous exerçoient leur dévotion en la même manière, que les jésuites voulussent être solitaires, les chartreux enseigner, ainsi du reste, et les supérieurs s’anéantir dans l’humilité, et les inférieurs veiller sur leurs frères et les reprendre, une source si sainte ne laisseroit couler que le poison d’une confusion étrange, qui ne contribueroit à rien moins qu’à la gloire de Dieu et au salut des hommes. Que s’il est donc vrai que les divers instituts et les divers offices des maisons religieuses doivent y diriger diversement la dévotion, cette même nécessité se trouve encore plus formelle dans les divers états du siècle, dont les devoirs et les fonctions, étant si différents, doivent tourner aussi la dévotion de chacun si différemment. Or celle d’un prince, et si proche du sceptre, le doit porter à tout ce qui l’en peut rendre digne, et le faire paroître tel a tout le monde, dont la voie la plus importante et la plus assurée est cette double connoissance des hommes par tous les moyens qui la peuvent acquérir, et une impression d’estime et de vénération qui se tire également de toutes les actions du prince, et qui s’y reporte en même temps, en sorte qu’il est très-vrai de dire que ce réciproque est tel qu’un prince devient recommandable à proportion du mérite de ses actions, et les actions du prince recommandables aussi à proportion de son propre mérite. Il ne peut donc