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tant de grandeur, et à exercer l’humilité avec une majestueuse douceur, qui augmente leur suprême dignité jusque devant les hommes, et qui leur attire l’hommage de leurs cœurs avec une bénédiction du ciel plus abondante. On ne peut donc regarder sans folie, avec des yeux indifférents, ce grand don dans Mgr le duc de Bourgogne, sur lequel il y a, outre les raisons générales, des grâces infinies à rendre à Dieu pour le merveilleux effet qu’il a produit en lui, comme il a été remarqué au commencement de ce Discours, et sans lequel les plus libertins auroient pu admirer ses grandes qualités également, mais les aimer moins et les redouter davantage. Je suis donc bien éloigné non-seulement de ceux qui n’ont pas honte de s’en plaindre, mais de ceux encore qui lui en désireroient moins, et je tiens fermement qu’il n’est aucun sujet de ce royaume qui, à ne regarder même que son bien temporel, ne doive autant ou presque autant rendre grâces à Dieu de la piété de Mgr le duc de Bourgogne que ce prince lui-même ; mais cette puissante conviction de mon esprit ne le ferme pas aux réflexions qui se peuvent faire sur l’austérité qui y est jointe, et qui pourroit être comparée à quelque petite âpreté d’un fruit très-délicieux. Pour expliquer cette importante matière, il est nécessaire de se permettre quelque détail après avoir posé quelques principes qui puissent être reçus. On n’en doit point chercher ailleurs ici que dans le Saint-Esprit même, parmi les divines Écritures, où on trouve écrit qu’il faut que les forts supportent les faibles, ordonnance si conforme à la charité du prochain, dont il étoit mention tout à l’heure ; ailleurs, qu’il faut être sage avec sobriété. Sage ici doit, ce me semble, comprendre piété, bonnes œuvres, et tout ce qui appartient enfin à cette sagesse qui renferme tout ce qui l’est devant Dieu. Pour peu que l’on médite ces deux passages, on verra bientôt combien ils se soutiennent tous deux, et combien de rapport ils ont l’un à l’autre. Que les forts supportent les faibles, n’est-ce pas ne les point